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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/522

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eu qu’à vouloir pour contracter un nouveau mariage ; elle écarta tous les prétendans. Se trouvant seule et sans enfans, son premier mouvement fut de prendre le voile. Clément VII lui désigna le couvent des Claristes, non sans recommander aux religieuses et sous peine d’excommunication de s’opposer à toute espèce d’engagement irrévocable. Elle y vécut assez paisible jusqu’au jour où l’entrée des troupes impériales et le pillage de Rome la forcèrent d’aller chercher un asile dans Ischia, qu’il lui fallut bientôt quitter à cause de la peste venue à la suite des armées. Arpino, petite ville des Abruzzes et patrie de Cicéron, lui offrit alors un refuge, puis elle rentra pour quelque temps à Rome attendant de retrouver son cher golfe de Naples dès que les événemens le permettraient. Ainsi l’arrière-saison de sa vie s’écoula tantôt à Ferrare, tantôt à Viterbe au couvent de Sainte-Catherine. Son esprit semblait s’affermir au milieu des troubles politiques, étant de ceux auxquels le deuil sied mieux que la joie. Tout entière à son élégie, au cher et unique absent, et dialoguant avec lui d’un monde à l’autre, elle tira de sa lyre des méditations, des contemplations, des recueillemens et des harmonies poétiques dont les contemporains furent ravis et que bien des gens admirent encore aujourd’hui par ouï-dire. Cette poésie, nous la savons par cœur, c’est le sonnet de Pétrarque avec ses raffinemens et ses subtilités, son mysticisme, son symbolisme et ses allégories. Seulement, au lieu d’une femme qu’on vous montre parcourant les cycles infinis de la transfiguration, vous avez un homme, au lieu de la divine Laure, don Ferrante d’Avalos : « Soleil tout rayonnant de gloire, vision céleste dont l’éclat réchauffe l’âme et la féconde ! Où sont-ils les beaux jours d’Ischia, lorsque le bien-aimé rentrait victorieux de ses campagnes ? Hélas ! maintenant tout est douleur et chagrin ! »

Sept ans dura cette complainte, cette consécration de toutes ses heures à la chère mémoire : « Vainement j’avais espéré que le temps apaiserait ma nostalgie ardente ! » Ce n’est point seulement son âme qui souffre, son triste corps aussi languit et change, et le cri de la nature perce à travers l’apprêt de la chanson. « Regarde, c’est moi ! Combien, hélas ! le cruel chagrin m’a défigurée, toi-même ne me reconnais qu’à ma voix, car de mes yeux, de mon visage et de mes cheveux s’est enfui ce que tu nommais ma beauté. J’étais si fière de croire à tes discours, de voir à quel point j’étais chère à ton cœur ! Aussi maintenant peu m’importe que cette beauté se soit à jamais évanouie, puisque toi tu me manques, toi pour qui seul je me sentais heureuse d’être belle. Qu’importe la beauté, que me font tous les autres biens dès que je ne puis plus les partager avec toi ! « Le langage est élégant et correct, mais trop souvent