lutte, que je suis bien décidé à soutenir à outrance. J’espère qu’avec du courage et de la prudence nous terrasserons les méchans sans nous laisser dominer par les fous, et nous réunirons sous notre bannière tous les hommes de bonne foi qui veulent le maintien de ce qui existe. »
Ce qu’on voulait du garde des sceaux, c’était sa parole sans doute, et, s’il ne pouvait parler, ce qu’on voulait encore c’était sa présence ; tout se réunissait pour lui fixer le moment du retour. Les appels qu’il recevait de toutes parts répondaient à ses propres résolutions, à ses impatiences, et, tandis que dans tous les camps se préparait, le grand combat pour la loi des élections, De Serre regagnait à petites journées Paris, où il rentrait le 17 mai 1820, où il était attendu avec une sorte d’anxiété ! « À mesure que votre ombre se projette de nos côtés, lui écrivait Froc de La Boulaye, on vous met en scène plus souvent et de mille diverses manières. Chacun se fait un De Serre à sa guise… »
Chose étrange, jusqu’à la dernière heure les doctrinaires gardaient la secrète espérance de retenir De Serre ou de trouver avec lui une transaction, ou tout au moins de l’amener à réfléchir encore, à se réserver. Ils auraient voulu devancer tout le monde auprès de lui et être les premiers à lui expliquer une situation où sa présence pouvait tout changer.
À peine était-il rentré à la chancellerie, avant même qu’il fût arrivé, M. Guizot lui adressait lettres sur lettres. « Je vous conjure de me dire à quel moment je puis aller passer une demi-heure seul avec vous… Mon cher ami, j’ai un besoin profond, irrésistible, de vous dire quelques mots. Je ne sais, je crains que les uns et les autres, nous ne parvenions guère à causer à fond avec vous, et peut-être dans huit jours nous trouverons-nous séparés sans nous être dit ce qui l’eût empêché, ce qui eût sauvé tant de choses. Je ne me résigne pas à cela… » Le duc de Broglie essayait aussi de voir le garde des sceaux, et la gracieuse duchesse, avant même de recevoir le jour suivant la visite de De Serre, se hâtait de lui écrire : « Victor attend que vous lui fassiez dire quelque chose… J’ai un si grand désir que vous ayez causé avec lui avant de vous engager, que vous ayez entendu tout ce qu’il a à vous dire de noble, de sincère, de loyal, pour vous conserver parmi nous, j’ai tant d’espoir que sa conscience et la vôtre s’entendront, se réuniront pour ne plus se quitter que je hasarde cette demande… » Royer-Collard, à son tour, écrivait à De Serre cette lettre