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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/649

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cherche à trop les instruire, on les ennuie et ils se détournent du professeur ; si on les amuse trop, ils ne prennent que le plaisir et négligent la leçon qu’il était destiné à faire passer. Qui n’a pu remarquer en effet de quelle adresse sont doués les enfans pour séparer en toutes choses la partie qui est d’amusement de la partie qui est d’utilité ; dans les matières d’instruction en particulier, ils en agissent comme avec leurs tartines dont ils lèchent si dextrement les confitures ou le beurre en laissant le pain intact à la grande colère des mères et des sœurs aînées. Mettez par exemple des contes de fées entre les mains des enfans, et voyez avec quelle prestesse leur petite imagination en absorbera toute la partie amusante, c’est-à-dire le merveilleux, sans se soucier le moins du monde de la leçon morale qu’il enveloppe. L’important est donc d’arriver à faire manger à l’enfant le pain en même temps que les confitures, et c’est là le tour de force que Stahl parvient à accomplir dans les Histoires de mon parrain, et dans les contes et récits de la Morale familière, où la tartine a été si bien préparée qu’il est impossible à l’enfant d’en séparer la partie nourrissante de la partie flatteuse au goût. L’auteur y fait peu usage du merveilleux, bien qu’il l’aime beaucoup et s’en soit constitué le défenseur dans l’agréable notice qu’il a placée en tête de son édition de Perrault, et cherche moins à captiver l’imagination de son public qu’à éveiller sa raison et à émouvoir sa sensibilité par le spectacle de ses travers et de ses défauts, de manière à l’amuser à ses propres dépens. Traiter ses petits lecteurs en enfans aimés et non en enfans gâtés, Stahl, moraliste de l’enfance, est tout entier dans cette nuance. Des récits dont les enfans sont les personnages ne sont pas cependant une forme nouvelle dans la littérature consacrée au jeune âge, c’est ce qu’ont fait presque tous les auteurs qui ont cultivé ce genre, l’excellent Berquin en tête ; l’innovation de Stahl a consisté à transformer ces récits en véritables petits romans où les types de convention de la littérature enfantine, toujours uniformément les mêmes, le bon et le méchant enfant, etc., ont été remplacés par des caractères plus variés, plus originaux, plus près de la réalité, et étudiés avec le même soin que si. les acteurs étaient des hommes. Indiquons en ce genre le récit intitulé une Affaire difficile à arranger, où l’auteur nous raconte la querelle prolongée d’un petit Parisien et d’un petit provincial de Nice, et où les différences de caractères des gens du nord et des gens du midi sont rendus en miniature avec une exactitude parfaite. C’est assez dire qu’en consacrant son talent à l’enfance, Stahl en a conservé les meilleures qualités, et en effet il y a tel de ces contes, les Histoires rencontrées dans le brouillard, par exemple, qui peuvent être lues avec plaisir par les