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qui était l’inévitable conséquence[1] de l’occupation d’Alger et de son territoire par les troupes françaises, bientôt suivie de l’occupation de quelques autres points importants du littoral algérien. Cette guerre tout à fait spéciale et nécessairement localisée, contre des adversaires à demi sauvages et vivant sous un climat brûlant, habitués dès l’enfance « à faire parler la poudre, » pleins de haine pour l’envahisseur chrétien, à qui ils ne faisaient jamais quartier, avait de l’originalité, de l’intérêt, quelquefois de la grandeur. Elle imposait aux officiers, surtout aux soldats, d’incroyables efforts d’industrie, d’énergie morale et physique, d’opiniâtreté, dans des luttes dont le théâtre, absolument inconnu dans les premiers temps, s’éloignait de plus en plus du littoral, auxquelles par suite manquaient souvent les moyens d’action et de renouvellement. C’est par ces graves et incessantes difficultés que le commandement, en Algérie, fut conduit à l’invention et à l’application journalière de la fameuse et traditionnelle formule du débrouillez-vous, qui était à l’armée d’Afrique sans danger notable pour l’ensemble des affaires militaires, qui devait être plus tard si fatale à nos généraux dans la préparation et dans la conduite de la grande guerre en Europe.

Çà et là s’accomplissaient des drames militaires, restreints dans leurs proportions, car devant un ennemi, — si brave qu’il fût, — sans organisation, très mal armé, forcé à l’économie des munitions, un désastre restait local et ne pouvait pas se généraliser. Mais ces drames avaient de saisissantes péripéties expressément faites pour frapper l’imagination publique, et le gouvernement ne se trompait pas en jugeant qu’indépendamment des grands résultats politiques et coloniaux, — aujourd’hui à peu près acquis, — qu’il poursuivait dans cette guerre, elle lui offrirait une mine inépuisable de prouesses à exploiter, pour donner à l’orgueil militaire de la nation et à ses instincts guerriers des satisfactions qui compenseraient les effets du déraisonnable et insupportable mot d’ordre de la paix à tout prix.

Les princes furent envoyés à l’armée d’Afrique, non pour y servir en princes, mais pour y servir en soldats, tantôt associés aux efforts des troupes, tantôt conduisant ces efforts et ajoutant beaucoup, par cette effective et active participation aux entreprises de la guerre, à l’éclat dont on voulait qu’elles fussent entourées. Le

  1. Toutes les fois qu’on occupe partiellement un pays dont la plus grande étendue reste aux mains de la population armée, il faut l’y poursuivre et l’y remplacer pour lui enlever les ressources de l’impôt et du recrutement, à l’aide desquelles elle renouvelle incessamment ses attaques. Il n’est donc pas possible de fixer des limites de convention à la conquête commencée. C’est une loi dont les Anglais dans l’Inde et les Français en Algérie ont fait l’expérience.