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le sentiment du devoir rempli et la conscience des services rendus ; que les chances de la guerre sont variables, incertaines et font alternativement des vainqueurs et des vaincus ; que l’une et l’autre fortune ont leurs devoirs spéciaux qui obligent, les vainqueurs à la modération, au respect de l’infortune, au ménagement des populations foulées par la guerre, les vaincus à la fermeté, à la constance, à l’union, à la rigoureuse observation de la discipline, sans lesquelles des revers du moment deviennent des revers irréparables. »

Cet aperçu, que je réduis à l’énoncé de quelques-uns des principes qui formeraient la substance du catéchisme militaire, suffit à faire voir que cet enseignement des jeunes générations françaises, par un livre de cinquante pages, comprend non-seulement le devoir militaire, mais une part du devoir social et du devoir politique. Il leur apprend en effet, par surcroît, la soumission, les respects, le désintéressement, l’esprit de sacrifice. Ne sont-ce pas là les antidotes des maladies morales les plus dangereuses d’une société énervée par la jouissance, par les compétitions égoïstes, par l’esprit d’insubordination, par l’intérêt personnel qui dessèche les âmes et qui exploite tout, jusqu’aux malheurs de la patrie ?

Le catéchisme militaire deviendrait, dans toutes les écoles primaires de France, dans les classes élémentaires de tous les établissemens d’instruction secondaire et spéciale (lycées, collèges libres, écoles professionnelles, etc.), le formulaire d’une éducation virile dont il n’existe pas trace dans les programmes de nos maisons scolaires. Pour les classes moyennes et supérieures, de petits traités complémentaires élèveraient graduellement l’enseignement militaire à la hauteur exigée par l’âge et par le degré de culture intellectuelle des élèves. Catéchisme et traités formant un code de préparation et d’initiation spéciales, nécessaires à toute la jeunesse française, pénétreraient dans les familles. Le pays arriverait ainsi à envisager dans un esprit nouveau le principe et les règles de la profession des armes, sous les aspects vrais, sérieux, sévères qui lui appartiennent et qui doivent l’élever pour tous au plus haut de l’échelle des devoirs publics.

Les fictions, les exagérations, les admirations, les éblouissemens de la légende, qui firent tant de dupes avec tant de victimes, en remplissant les cœurs de vanités si bruyantes et d’illusions si dangereuses, disparaîtraient remplacés par la réalité des doctrines et des facultés militaires effectives. Les Français n’auraient plus pour la guerre ce goût qu’on leur croit et qu’ils se croient ; mais, en la tenant pour un malheur public, ils sauraient la faire quand la patrie les appellerait aux armes, avec une vigueur, une compétence, une autorité qui écarteraient d’eux pour toujours la calamité des revers