théâtre, d’un aqueduc, de bains, de temples et de nombreux édifices publics. Tous ces édifices sont de la même époque ; la ville a été pour ainsi dire bâtie d’un coup, et une portion de son périmètre n’a même jamais été occupée par des maisons. » Comme Philippe ne régna que six ans, il eut peu de temps pour la construire, et il n’est pas surprenant qu’il ne l’ait pas achevée. Par un hasard singulier, c’est sous son règne que tombait le millième anniversaire de la fondation de Rome. On nous raconte qu’il donna à cette occasion des fêtes magnifiques qui durèrent plusieurs jours et où l’on offrit aux curieux toute sorte de spectacles ; mais n’est-il pas étrange que le césar qui célébrait ainsi l’an mil de la ville éternelle fût un Arabe ?
Il fallait certes que cette civilisation eût de grands attraits pour conquérir aussi vite des nations qui semblaient en être d’abord si éloignées. Quand nous venons de voir les miracles qu’a produits la domination romaine dans des pays barbares, nous avons quelque peine à nous expliquer les sombres tableaux qu’on en a quelquefois tracés. Soyons sûrs que, si elle avait été si pesante qu’on le dit, le monde ne l’aurait pas si aisément acceptée. Le mouvement qui a entraîné vers Rome tant de peuples différens, et qui s’étaient montrés jusque-là si ennemis de la domination étrangère, nous semblerait peut-être difficile à comprendre si nous n’avions pas vu quelque chose de semblable s’accomplir sous nos yeux. Il y a des momens où les petites nations tiennent avant tout à leur existence individuelle et séparée, où il leur plaît de se gouverner par leurs lois, de s’isoler de leurs voisins, de s’enfermer en elles-mêmes et d’être maîtresses chez elles ; il y en a d’autres au contraire où elles sont prêtes à renoncer à leurs institutions, à leurs souvenirs, à leurs haines, à se mêler et se confondre avec leurs rivaux les plus détestés, à perdre leurs lois, leurs mœurs, leur indépendance et leur nom. C’est qu’elles sont alors travaillées d’ambitions nouvelles : elles veulent être un grand peuple, faire partie d’un grand état ; pour se sentir puissantes et respectées, pour avoir leur part des hommages que tout le monde est obligé de rendre à une grande nation, elles se résignent aux plus douloureux sacrifices. L’orgueil que leur cause la gloire de leur nouvelle patrie les paie de tout. C’est ce que l’Europe a vu plus d’une fois avec surprise dans ces dernières années ; probablement aussi c’est ce qui était déjà arrivé vers le premier siècle de notre ère. Que de petits peuples ont été heureux alors de se perdre dans l’unité romaine ! comme ils ont volontiers échangé leur nom inconnu pour ce titre glorieux que respectait l’univers ! Sur un rocher du désert, près du Sinaï, on a trouvé, gravée en caractères grossiers, cette fanfaronnade de soldat : Cessent Syri ante latinos Romanos ! Il est probable que celui qui