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nomen Domini benedictum de ses livres sacrés, comme à la même époque les sculpteurs et les peintres des catacombes employaient la figure d’Orphée ou le pasteur de Cal&mis pour représenter le Sauveur. Ce petit autel de Palmyre, avec son inscription qui pouvait convenir aux trois cultes à la fois, nous fait voir les points de contact qu’ils avaient ensemble et comment il était possible de passer presque insensiblement de l’un à l’autre.

Les inscriptions grecques et araméennes copiées par MM. Waddington et de Vogüé nous apprennent encore que la race qui habitait la Syrie était l’une des plus religieuses de l’ancien monde. Sur les tombes élevées par la ville de Palmyre à ses principaux citoyens, l’éloge qu’on fait d’eux est double. « Ils ont aimé leur pays, dit l’inscription, et craint les dieux. » Ces deux qualités sont mises sur la même ligne et complètent le citoyen. La piété des gens de ce pays n’est pas tout à fait la même que celle des peuples de l’Occident. Elle ne consiste pas seulement dans l’accomplissement régulier de certaines pratiques minutieuses, il s’y joint un élan du cœur vers la Divinité qui aurait surpris et mécontenté un de ces vieux Romains à qui tous ces sentimens violens étaient suspects. Le Syrien se représente quelque part « louant Dieu chaque jour, » et quelques-unes de ses prières, dont nous avons conservé des fragmens, ont un accent religieux qui contraste avec les formules ordinairement si longues et si froides des autres rituels païens. C’est un salut adressé au dieu dont on visite le temple, une requête passionnée à Baal-Marcod afin d’obtenir son secours, une invocation au soleil levant pour lui demander de venir au plus vite luire sur le monde. Les tombeaux anciens sont très nombreux dans la Syrie : sur aucun d’eux on ne trouve ces paroles de doute ou ces assurances cyniques d’un anéantissement absolu qui sont si fréquentes en d’autres pays. Tout y est simple et grave, et l’on y sent une sorte de recueillement pieux devant la mort. La certitude de la vie future y paraît encore plus claire et plus ferme qu’ailleurs. « Divin Sabinus, dit une gracieuse inscription grecque, le sommeil s’est emparé de toi, mais tu n’es pas mort. Tu reposes sous ces arbres, dans ta tombe, sans que la vie t’ait quitté, car les âmes des gens pieux vivent toujours. »

Cette piété des Syriens les disposait d’avance à bien accueillir le christianisme. La foi nouvelle avait peu de prise sur les indifférons et les sceptiques ; elle attirait au contraire les âmes religieuses qui pratiquaient avec sincérité les anciens cultes. Partout ce sont les païens fervens qui sont devenus le plus vite des chrétiens convaincus. D’ailleurs la Syrie centrale est voisine de Jérusalem où le christianisme est né, d’Antioche où il a fait de si rapides conquêtes et reçu le nom qu’il porte ; il est naturel qu’il s’y soit