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desservent l’Amérique du Sud. La compagnie des chargeurs réunis a une flotte qui opère avec le Brésil et La Plata ; d’autres compagnies ont noué des relations florissantes avec les ports de l’Atlantique : Bordeaux, Nantes et ceux de la Méditerranée. Un des premiers armateurs de la place, M. Mallet, a des paquebots qui relient avantageusement Le Havre aux ports de la Mer du Nord, Anvers, Hambourg, Brème. Les places anglaises, Londres, Southampton, Plymouth, Glascow, Liverpool, sont mises aussi en relation avec Le Havre par la vapeur. Sur la mer des Indes et l’Océan-Pacifique, Le Havre n’a pas de steamers et s’en plaint : les cotons de l’Inde, le café de Ceylan, les soies de Chine et du Japon, les laines du Chili y arriveraient plus aisément que par les navires à voiles. Les longs-courriers du Havre ne doivent pas cependant être passés sous silence, ainsi que quelques navires mixtes, à voile et à vapeur, également attachés à ce port. Le Havre est une place d’armement, et ses négocians et ses marins ne veulent pas faillir à leur tâche. On regrette néanmoins que la grande pêche y soit tombée en défaveur, qu’il n’y ait plus aucun navire inscrit pour la pêche de la baleine, et que même celle de la morue ou du hareng ne préoccupe pas davantage les marins de ce port. Heureusement il n’en est pas ainsi dans la plupart des autres ports de la Manche.

Un article d’importation intéressant, que les paquebots à vapeur commencent à introduire au Havre, est la viande fraîche d’Amérique. Le Labrador, le Canada, de la Compagnie transatlantique française, ont apporté récemment des États-Unis des quartiers de bœuf conservés par le moyen de la glace et de courans d’air glacé. Une boucherie spéciale est pour cela installée à bord des navires, et la viande, préalablement dépecée, arrive en parfait état. Elle garde, au dire des connaisseurs et des gourmets qui l’ont expérimentée, une apparence appétissante et un goût exquis. Il y a longtemps qu’à Liverpool on introduit ainsi chaque semaine des centaines de tonnes de viande de bœuf, de porc, de mouton. Bien mieux, on a fini par importer aussi ces animaux vivans. Cette viande se vend quelques pence de moins la livre que la viande anglaise, et c’est suffisant pour le grand nombre, pour ceux que les Anglo-Saxons appellent si bien le million. Quant à l’Amérique, qui massacre, fume, sale, encaque son bétail par quantités innombrables de têtes chaque année, à Chicago, à Saint-Louis, à Buffalo, à Cincinnati, à New-York, elle ne demande pas mieux que d’en saler, d’en fumer un peu moins et d’en exporter un peu plus à l’état de viande fraîche, voire à l’état de bétail vivant. Le problème de la viande à bon marché est un de ceux qu’il est le plus important de résoudre, surtout en Europe, et nos ports de mer n’y sauraient trop contribuer par l’introduction des viandes étrangères fraîches,