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lunaires agissaient sur l’iodure d’argent. En 1845, MM. Fizeau et Foucault obtiennent, par le même procédé, une image du soleil qui a été reproduite par la gravure. En 1849, M. Faye recommande l’emploi de la photographie pour l’observation des passages du soleil au méridien. L’année suivante, l’astronome américain William Bond réussit à prendre un daguerréotype de la lune qui paraît déjà assez satisfaisant, et qui est présenté à l’Académie des sciences, au mois de juin 1851, de la part du fils de M. Bond, de passage-à Paris. Un mois plus tard, une éclipse de soleil donne lieu à des expériences photographiques qui sont tentées à Rome, à Paris, à Kœnigsberg. C’est l’époque où la merveilleuse invention commence à tenir une certaine place dans les préoccupations des astronomes soucieux de progrès.

Mais la partie technique du nouvel art ne faisait que de lents progrès ; les agens chimiques employés au début n’étaient pas suffisamment sensibles à l’action d’une lumière faible, les procédés n’étaient rien moins que rapides, et les résultats obtenus par les astronomes qui avaient appelé à leur aide la photographie laissaient à désirer, — si bien qu’en 1868 un des vétérans de la science, J.-H. Mædler, doutait encore de l’avenir de cette innovation. « Aussitôt après la découverte de la photographie, disait-il dans une conférence, on entendit exprimer des espérances qui n’ont d’analogues que celles de Descartes et de ses contemporains à la suite de la découverte des lunettes astronomiques. On plaignait les malheureux savans qui avaient passé leur vie à observer, à mesurer et à dessiner. Non-seulement on devait faire la même chose sans peine et en moins de temps, mais on devait obtenir des résultats bien meilleurs, plus exacts, plus détaillés qu’auparavant. Ce qui m’a coûté sept années, la carte topographique de la lune, devait être bien mieux fait en sept secondes. Aujourd’hui trente années se sont écoulées depuis la découverte de Daguerre ; comment ces espérances ambitieuses ont-elles été réalisées ? » La réponse est tout à fait pessimiste : les photographies d’objets célestes sont loin de montrer autant de détails qu’en peut saisir un observateur exercé et doué d’une bonne vue, et en somme Mædler conclut que la photographie ne nous apprendra pas grand’chose de nouveau sur les astres que nous pouvons étudier si facilement à l’aide de nos grandes lunettes.

On sent dans ces critiques amères le dépit de l’homme qui a perdu ses yeux à scruter le ciel, et qui assiste à l’avènement d’un art nouveau dont la prétention est de remplacer par un tour de main le patient travail qui lui a coûté tant de veilles et tant d’efforts. Il lui répugnerait de dire : « La photographie a tué