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Adolph Wagner, de Berlin, qui aient tenté de donner à cette matière la place qui lui revient dans l’enseignement de la science. Comme il s’agit de renouveler les bases mêmes de l’économie politique, on nous permettra quelques détails sur les deux écrits de ces économistes qui ont paru l’an passé. Le premier est une esquisse du cours que M. A. Held fait à l’université de Bonn (Grundriss für Vorlesungen über Nationalökonomie) ; il a été publié comme manuscrit pour l’usage de ses élèves. Après avoir défini, suivant l’habitude, le besoin, les biens, l’économie politique et sa méthode, il consacre un chapitre spécial au droit dans ses rapports avec les biens (Vermögensrechte). L’homme, dit-il, existe et travaille au sein de la société. Toute société a besoin d’un pouvoir pour y maintenir l’ordre. L’état et le droit sont aussi anciens que l’humanité elle-même. Il s’ensuit que la faculté qu’a l’individu d’employer et de consommer des biens ne dépend pas uniquement de sa puissance à lui ; elle est réglée par le droit que l’état lui confère sur les choses. La part qu’obtient une personne dans la masse générale des biens, c’est-à-dire sa fortune privée et sa condition économique, est en rapport avec les droits réels qui lui sont reconnus. C’est le droit civil qui, en fait, détermine ce dont un citoyen peut disposer à l’exclusion de tout autre. L’influence du droit civil sur la nature des relations économiques est considérable. Celles-ci varient d’après la façon dont il règle le mode d’acquisition et le transfert des biens. L’influence du droit politique sur les conditions économiques est grande, mais celle du droit civil l’est bien plus encore. La première est indirecte, la seconde directe et plus constante, parce que les lois civiles changent beaucoup moins que les institutions politiques.

Le système de droits réels peut reposer ou sur le principe que les individus n’ont sur les choses qu’un droit d’usage, le domaine éminent étant réservé à des personnes juridiques d’un caractère public, l’état, la commune, les corporations, — système de la propriété commune, — ou sur le principe qu’il faut conférer aux individus sur les choses le droit le plus exclusif et le plus permanent, — système de la propriété privée. Le droit civil des états civilisés repose aujourd’hui sur le système de la propriété privée ; cependant celui de la propriété commune reparaît dans beaucoup de lois récentes : expropriation, instruction gratuite, routes publiques sans péage, chemins de fer construits et exploités par l’état. Après avoir discuté les définitions et fait l’histoire de la propriété, M. Held prouve que l’institution de la propriété privée, même appliquée au sol, répond à la nature de l’homme, assure le maximum de production et paraît par conséquent indispensable pour tout l’avenir que l’on peut prévoir. Mais la propriété qui implique le droit