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du testament. Qui a raison, le code civil ou M. Leplay ? La question est difficile à résoudre et présente un grand nombre d’aspects divers. Je ne songe pas même à l’effleurer ici. Tout ce que je veux prouver, c’est que, pour savoir lequel des deux systèmes est le meilleur, il faut interroger les faits économiques et examiner quel est celui qui s’est montré le plus favorable à la prospérité publique[1].

Qu’on considère maintenant les autres titres du code civil, la tutelle, le contrat de mariage et ses divers régimes, communauté légale, communauté conventionnelle, régime dotal, le contrat de vente et de louage, les privilèges et les hypothèques, et l’on verra que ce qu’a voulu partout le législateur, c’est sanctionner tout ce qui assure la conservation, la bonne administration, la facile transmission des biens. C’est également ce que poursuit l’économie politique. Le but des diverses sciences sociales est le même : c’est de porter l’homme au plus haut point de perfection qu’il puisse atteindre. Seulement chacune d’elles s’occupe des moyens qui sont de son domaine. Le droit détermine les relations des hommes entre eux et avec les choses, l’économie politique, étudiant les effets des lois, dicte au droit positif les règles qu’il doit sanctionner.

Le commerce et l’industrie, à mesure qu’ils se développent, prennent une place de plus en plus grande dans le droit moderne. Le droit commercial et le droit industriel acquièrent chaque jour plus d’importance. Les principales affaires qui occupent le barreau se rapportent aux mines, aux chemins de fer, aux fabriques, aux grandes entreprises de toute nature qui mettent en valeur le fonds national. Les sociétés anonymes, les faillites, les règlemens de comptes, les responsabilités en matière de transport, donnent lieu chaque jour à des contestations de la plus grande importance. La fortune représentée par des titres de toute espèce dépasse déjà la fortune immobilière, et ainsi dans les procès qui ont pour objet des valeurs de la première catégorie sont engagés des intérêts plus considérables que dans ceux qui se rapportent aux biens-fonds. N’est-il pas indispensable au jeune avocat de connaître l’économie politique pour traiter toutes ces questions si essentiellement économiques ?

  1. Les argumens que l’on fait valoir des deux côtés ont été parfaitement résumés par M. Thiry, recteur de l’université de Liège (de la Réserve et de la liberté testamentaire). M. Thiry, qui se prononce en faveur de la réserve, a bien fait ressortir le côté économique de la question. « Parmi les lois civiles relatives aux biens, dit-il, aucune n’a plus d’importance que celle qui régit le patrimoine que nous laissons après nous. De cette loi dépend non-seulement la juste distribution des richesses délaissées par le défunt, ainsi que la création plus ou moins active de richesses nouvelles à l’aide des premières ; mais en outre elle influe puissamment sur la constitution de la famille, sur les rapports de ses membres, sur le bon accord et l’affection qui doivent régner entre eux, et par conséquent sur l’ordre public. »