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trop l’en louer, a gardé un juste milieu qui peut blesser les théoriciens à outrance, mais auquel s’attachent en toutes choses les esprits soucieux du bien possible ; à côté du droit des parties, elle a maintenu la surveillance de l’état ; malgré des propositions ultra-libérales, elle ne s’est pas encore dessaisie du privilège de fixer le taux maximum du prix des intérêts. Nous estimons que ce n’est point une précaution inutile : l’intérêt légal protège évidemment dans bien des cas l’inexpérience et la faiblesse, comme, par exemple, lorsqu’il s’agit de femmes et de mineurs, et ne nuit point aux affaires industrielles et commerciales, puisque les commissions de banque, les variations de l’escompte et du change peuvent modifier utilement le prix de l’argent dans les circonstances où cela est nécessaire. On objecte, il est vrai, que tous ces moyens accessoires ont pour but avoué et direct d’augmenter le loyer du capital, le prix de l’intérêt, et constituent en réalité une violation de la loi qui en a déterminé le prix maximum. Pour tous ceux qui s’occupent d’affaires, ces variations dans le taux des commissions et de l’escompte ne représentent avec sincérité que les nécessités très changeantes du commerce et de l’industrie, disposés à payer l’argent plus ou moins cher, selon le temps, mais souvent aussi, comme cela a lieu depuis quelques années, se refusant à payer même le taux légal de 5 pour 100. Dans tous les contrats où la liberté des deux parties s’exerce dans sa plénitude, il est bon qu’elles conservent la faculté de le dépasser indirectement, comme elles savent quelquefois ne pas l’atteindre. Mais combien on voit de transactions où l’une des parties ne saurait ou ne pourrait se défendre contre les exigences ou les fraudes de l’autre, ainsi qu’il en était des débiteurs de la Rome païenne ! C’est pour ces cas encore fréquens, c’est pour conserver à l’état son caractère de tuteur et son rôle de justicier qu’il nous semble bon de maintenir la législation actuelle, et que nous souhaitons de voir repousser la proposition que l’honorable M. Truelle vient de renouveler à la chambre des députés pour l’abrogation de la foi de 1807.

Quoi qu’il en soit de cette question encore ouverte sur la liberté absolue ou réglementée du taux de l’intérêt, tenons pour acquise désormais, ainsi que le bon sens et la pratique le réclament, la légitimité de l’intérêt du prêt et reconnaissons dans ce contrat l’origine et la justification de la richesse mobilière, cet instrument de tous-les progrès modernes.


III

Nous regarderions assurément comme un lieu commun renonciation de cette vérité que, justifiée théoriquement ou non, la