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l’armistice. Une seconde fois depuis l’armistice, tout récemment, elle a renouvelé ses ordres, elle a voulu user du firman qu’elle avait déjà obtenu du sultan ; mais alors tout s’est trouvé changé. Les commandant des forts des Dardanelles ont manqué d’instructions ; des difficultés se sont élevées à Constantinople, l’ambassadeur britannique, M, Layard, paraît s’être emporté, menaçant de forcer le passage, et on l’a laissé d’abord se fâcher, menacer. Les difficultés seront levées sans doute si elles ne le sont à l’heure qu’il est, la flotte entrera, si elle n’est déjà entrée ; seulement, par une dernière dérision, les Russes prennent maintenant prétexte de l’arrivée des vaisseaux anglais pour faire eux-mêmes leur entrée à Constantinople, de sorte que voilà l’Angleterre dûment convaincue, au moins au dire du prince Gortchakof, d’avoir provoqué un événement qu’elle aurait certes voulu empêcher. Le ministère a, sans contredit, sa part dans ce décousu, dans ces incohérences pénibles pour l’orgueil britannique, et l’opposition, elle aussi, a pris certainement une immense responsabilité en affaiblissant depuis un an. Le ministère par ses déclamations, au risque d’obliger l’Angleterre à un bien plus grand effort le jour où elle voudra décidément réparer les fautes de sa politique, reconquérir son influence. Aujourd’hui, à vrai dire, la question est moins à Londres et à Vienne qu’à Berlin ou à Varzin. Que veut réellement M. de Bismarck ? quelle politique poursuit-il dans le silence énigmatique où il se renferme depuis assez longtemps ? De cette politique dépendent évidemment en partie les résolutions de l’Angleterre et de l’Autriche. Que le chancelier allemand tienne à prouver sa cordialité au cabinet de Saint-Pétersbourg, cela n’est point douteux ; mais d’un autre côté peut-il s’exposer à mécontenter l’Allemagne elle-même en livrant à la Russie l’Orient, les bouches du Danube, en favorisant la prépondérance outrée d’un formidable empire slave ? Par cet intérêt, il est lié à l’Autriche et à l’Angleterre elle-même. Ainsi tout reste étrangement obscur dans ces fatales ; affaires d’Orient, Il va y avoir un congrès, on le dit, soit ; il s’agit maintenant de savoir si dans ce congrès c’est la paix définitive, désirable qu’on va conclure, ou si c’est une guerre nouvelle, bien autrement compliquée qu’on ira préparer. Il faut bien voir les choses comme elles sont.

Ces grandes questions qui agitent le monde, qui occupent sans cesse les esprits réfléchis ont du moins un mérite ; elles ramènent à leurs vraies proportions tous les petits conflits qui ont leur importance, sans doute, mais qui n’ont pas toujours autant d’intérêt que le croient ceux qui s’y trouvent mêlés. Y a-t-il eu récemment des menaces de crise à Versailles ? Le sénat se dispose-t-il à voter les lois sur le colportage, sur l’état de siège, sur les crédits supplémentaires ? La chambre des députés a-t-elle eu quelque velléité d’ajourner, par mesure défensive le vote du budget ? C’est une histoire qui, pour aujourd’hui, pâlit devant les grands événemens qui s’accomplissent, dont la France elle-même ne