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canonnières, mais était-ce suffisant pour les manœuvrer et les faire servir utilement à l’attaque des lignes françaises ? On en peut douter. Le personnel régulier de la marine militaire fut-il représenté dans cette troupe de matelots pour rire ? Oui, et dans des proportions que nous pouvons faire connaître avec une rigoureuse exactitude, grâce aux feuilles de service et d’émargement qui ont été conservées.

Les quatorze canonnières et les trois vedettes formant la flottille de la commune furent montées par trois cent quatre-vingt-neuf hommes y compris les officiers, les chauffeurs et les mécaniciens ; c’est du moins là le total de ceux qui du 1er avril au 13 mai ont fait simultanément ou successivement le service à bord. Sur ce nombre, l’on trouve trois marins en congé renouvelable et sept déserteurs des équipages de la flotte. Rappelons tout de suite, afin que l’on puisse établir une proportion équitable, ce que nous avons dit plus haut : au moment de la capitulation, les forts et la flottille avaient jeté 14,031 marins et officiers de marine sur le pavé de Paris. Parmi les simples matelots, dix hommes furent infidèles au devoir. Dans ce contingent fourni à la révolte, je découvre avec douleur trois hommes qui avaient porté jadis l’épaulette d’officier de marine ; deux d’entre eux, je me hâte de le dire, tarés, déclassés, avaient été rejetés hors d’un corps qu’ils déshonoraient par leur conduite et dans lequel leur seule incapacité ne leur eût pas permis de se créer une place ; quant au troisième, il appartenait à cette catégorie de gens qui flottent entre l’imbécillité et la folie et que le manque d’équilibre intellectuel rend scientifiquement irresponsables. Malgré l’abaissement de leur caractère et de leurs facultés mentales, ces hommes, dont il est superflu de prononcer le nom, ne firent que traverser la commune. Dégoûtés jusqu’à la nausée par le, spectacle qu’ils avaient sous les yeux, ils se hâtèrent d’abandonner ce ramassis de vauriens que le gouvernement des Ranvier, des Rigault. et des Cluseret avait déguisés en marins. Leur passage, leur très rapide séjour au milieu des bandes fédérées permit cependant à la commune de dire : « Les officiers de la marine militaire viennent à nous ; » ce qui était déjà beaucoup trop.

Le 8 avril, la flottille comptait un effectif de cent vingt hommes, c’était peu ; mais on s’en remit au temps pour compléter les équipages, on avait hâte d’agir et l’on décida que l’on allait entrer en campagne. Mais le vieux proverbe : Pas d’argent, pas de Suisses, était aussi vrai pendant la révolte sociale de 1871 qu’au temps de François Ier, et les marins de la commune, rappelant les promesses qui leur avaient été faites, exigèrent un à-compte de solde que les bons d’eau-de-vie, signés par le colonel Chardon, ne remplaçaient pas. Cette réclamation parut juste à Durassier, qui, en compagnie de son commissaire d’administration, Charles Le Duc, comprit