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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/144

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Le 20 septembre, M. Margary, n’ayant plus l’espérance de recevoir de nouvelles instructions de M. Wade, prit le parti de continuer son voyage. Favorisé par une violente brise du nord-est, il laissa dans la même journée les eaux fangeuses du Yangtse pour pénétrer dans les ondes pures et aux couleurs ver pâle du lac de Tungting. A l’entrée de cette belle nappe d’eau se trouve la fameuse île de Chün-shan célèbre dans tout l’empire parce qu’elle produit le meilleur thé de la Chine. Une certaine quantité de la récolte est prélevée pour l’usage du Fils du Ciel ainsi que pour celui des principaux dignitaires de la province. Le lac est peu profond et sans animation ; à peine quelques voiles se distinguent-elles à l’horizon. Il est infesté par des nuages de mouches, qui, armées d’un dard aigu, en rendent la traversée insupportable. Les Chinois, dont l’imagination est naturellement poétique, prétendent que ces mouches sont les gardiens ailés de l’Esprit du lac et qu’elles ont reçu mission d’en défendre le séjour. Le 22, l’expédition entra dans la rivière Yuan et s’arrêta quelques instans devant une grande ville du nom de Ni-h’sin-tang. L’armée aux dards acérés de l’Esprit disparut là aussi rapidement qu’elle s’était montrée. Les bords de ce cours d’eau sont des plus pittoresques. Au lieu des cloaques et des sentiers pierreux qui déshonorent ordinairement en Chine les rives des fleuves, on ne voit ici au bord des berges que des champs de cotonniers admirablement cultivés, ou de grandes prairies bordées de saules centenaires. Les fermes sont bien tenues ; les hommes, les femmes et les enfans paraissent vivre dans l’aisance, et M. Margary reçut de tous les indigènes un accueil affable. Malheureusement, à son départ de Lo-shan, notre voyageur se sentit attaqué par les fièvres et la dyssenterie.

Le 25, il atteignait Ch’ang-tê. A peine avait-il envoyé sa carte par un messager, au préfet de la ville, qu’un jeune mandarin à bouton écarlate, du nom de Li-pi-cheng, vint se présenter à M. Margary, en lui disant qu’il avait ordre de l’accompagner jusqu’aux limites du district. Ce fonctionnaire était heureusement d’un commerce agréable ; il avait longtemps résidé à Shanghaï, et professait pour les Européens une grande estime. Après avoir été le favori du fameux vice-roi Li-hung-ch’ang, un souffle de disgrâce avait renversé sa fortune, et son séjour loin du soleil qui brille à Pékin, dans la ville de Ch’ang-tê, n’était qu’un amer exil. Margary le consola de son mieux, et il y réussit en lui promettant de le faire rentrer en grâce à la cour céleste par l’intermédiaire de l’ambassadeur anglais, M. Wade.

Le 28, l’expédition arrivait, au lever d’un soleil éblouissant, en face de T’ao-yuen-hsien, qui est une ville grande et florissante, mais sans murailles. C’était la première fois que M. Margary voyait une