Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Divisés sur les questions de politique intérieure, les partis avaient alors des vues identiques sur les questions de politique étrangère, et l’on a peine à s’expliquer les illusions que Napoléon se faisait sur le compte de Fox, lorsqu’il se flattait d’amener l’adversaire de Pitt à une ligue de l’Occident, c’est-à-dire de la France et de l’Angleterre contre les puissances orientales. L’échec des négociations entamées pour la paix en 1806, lorsque Fox était ministre des affaires étrangères, dut le détromper, en lui démontrant que tous les Anglais étaient d’accord sur ce qu’exigeait le maintien de l’équilibre européen.

Les conditions essentielles de cet équilibre avaient été déterminées par la paix de Westphalie et le traité d’Utrecht ; les traités subséquens avaient pu modifier certains détails de ces deux grands actes diplomatiques ; mais ils avaient été inspirés par le même esprit, et ils en avaient respecté les dispositions fondamentales. Il s’était ainsi créé un droit international, qui ne laissait point de doute sur les garanties, que chaque puissance était fondée à invoquer pour la protection de ses intérêts et la sauvegarde de son indépendance. L’observation pure et simple des traités suffisait à assurer aux nations la sécurité, qui est la première condition de la prospérité intérieure. Aussi le respect des traités était-il considéré comme la maxime fondamentale du code politique. Tous les gouvernemens se reconnaissaient non-seulement le droit, mais le devoir de les défendre.

Lord Castlereagh, en 1814, n’invoquait pas d’autre argument dans sa correspondance confidentielle avec Alexandre pour détourner le tsar de son projet de s’approprier la totalité de la Pologne, et de donner le royaume de Saxe à la Prusse en dédommagement de la perte de sa part des provinces polonaises. Alexandre invoquait tantôt l’obligation morale qu’il prétendait avoir contractée vis-à-vis des Polonais, et tantôt le droit de conquête. Lord Castlereagh lui répondait en lui opposant le respect des traités et le droit qu’avait chaque état de réclamer les mêmes garanties pour sa sécurité. « Apparemment, écrivait le plénipotentiaire anglais, un devoir moral ne saurait jamais exiger qu’on agisse en contradiction avec les traités les plus sacrés. » Insistant sur ce point de vue, le négociateur anglais ajoutait : « Où donc pourrait-on trouver, soit dans le texte des traités, soit dans un auteur public du droit des gens, un prétexte pour défendre le pouvoir arbitraire de substituer, en cas de succès, des arrangemens nouveaux à ceux qui avaient été stipulés par les traités ? » Abordant ensuite la question d’équilibre, lord Castlereagh n’hésitait pas à écrire : « Si la Russie a eu soin de s’assurer des frontières contre les Turcs et les Persans, peut-elle se plaindre que l’Autriche et la Prusse en désirent contre