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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février 1878.

Un récit à peu près officiel publié récemment à Saint-Pétersbourg sur les dernières scènes de la négociation des préliminaires de paix et de l’armistice entre la Russie et la Turquie dit avec un naïf orgueil : « o Ce n’est pas sans peine que les plénipotentiaires turcs ont apposé leur signature au bas de ces actes… En prenant la plume pour tracer son nom, le vieux Namyk-Pacha ne put retenir ses larmes, et, lorsque son altesse impériale monseigneur le grand-duc lui tendit la main en lui exprimant l’espoir que désormais la Russie et la Turquie resteraient amies, Namyk-Pacha pressa longtemps cette main loyale sans pouvoir articuler une parole. L’avenir prouvera que la réalisation de cette espérance serait conforme aux vrais intérêts de la Turquie aussi bien qu’à ceux de la Russie et de l’Europe… »

Que le vieux Namyk-Pacha ait versé des larmes en signant l’humiliation et la déchéance de son pays contraint à subir la loi du vainqueur, c’est bien simple et digne de respect. Que la Russie triomphe de tenir à merci la puissance ottomane et de se trouver en mesure de signer, non plus une paix d’Andrinople, mais une paix de Constantinople, cela se comprend. Que la réalisation des espérances russes soit « conforme aux vrais intérêts de l’Europe, » c’est justement la question qui se débat au milieu de l’émotion croissante du continent, et, si elle était aussi claire qu’on se plaît à le dire à Saint-Pétersbourg, l’anxiété ne serait pas partout à Vienne comme à Londres. Ce n’est pas une fantaisie d’hostilité contre la Russie qui suffirait à remuer l’opinion universelle. La vérité est au contraire que l’Europe se sent de plus en-plus engagée dans une crise aux proportions mystérieuses qui met en jeu toutes les politiques. Elle est réduite, depuis quelques semaines surtout, à s’interroger fiévreusement chaque jour sur les suites de ces événemens qui ne se dévoilent à elle que lorsqu’elle n’y peut plus rien, qui se