avoir eu le temps d’y introduire les réformes que j’avais projetées. Hélas ! depuis samedi soir je m’attendais à quelque chose ; ça a tourné mal plus vite que je ne pensais ; adieu, mon brave, sois toujours honnête homme, je te souhaite de rencontrer des ministres qui ne soient pas plus chiens que moi ! » Ceci dit, il prit un grand portefeuille, y mit quelques chemises, quelques chaussettes, et donna ordre d’introduire près de lui tous les chefs de service. Lorsque ceux-ci furent réunis et qu’ils eurent pris l’attitude d’hommes auxquels on va adresser une allocution patriotique, Latappy leur dit : « Filons, mes enfans, nous n’avons plus rien à faire ici. » C’est de la sorte que le délégué à la marine quitta son ministère. Que n’a-t-il été imité par tous les autres délégués ! Latappy rejoignit probablement les membres de la commune et les suivit dans leurs dernières étapes. Le vendredi 26 mai, il était avec Varlin et quelques autres au secteur de la rue Haxo lorsque l’on y poussa les malheureux qui devaient y périr ; ce que l’on sait de son caractère permet d’assurer, sans doute possible, qu’il s’est éloigné avec horreur de ce lieu de boucherie.
A cinq heures et demie du matin, le lundi 22 mai, il ne restait plus un seul partisan de la commune au ministère ; employés, fédérés, délégués, marins postiches, canonniers de contrebande, gouverneur, tout ce mauvais monde avait décampé. Le docteur Mahé, MM. Gablin, Le Sage, Langlet, les infirmiers, se félicitaient ; on se préparait à faire bon visage à nos troupes ; les portières, jacassant sur les trottoirs de la rue Royale, se réjouissaient à l’idée que les laitières allaient pouvoir rentrer à Paris et que le café au lait serait moins rare. A la barricade du quai de la Conférence, derrière les balustrades de la terrasse des Tuileries, à la redoute de la rue de Rivoli, à l’ouvrage avancé de la rue Royale, il n’y avait personne. Tout était désert, abandonné, à la disposition du premier peloton qui se serait présenté. Debout sur la galerie du ministère d’où l’on découvre Paris depuis le pont de la Concorde jusqu’aux verdures de Passy, M. Gablin regardait étonné de ne pas voir nos soldats accourir. Le temps passait, il était six heures et demie : « Que font-ils donc ? » disait M. Gablin. Un sifflement aigu passa devant lui, un candélabre jaillit en morceaux et un obus éclata. C’était une batterie française que l’on venait d’établir au Trocadéro et qui canonnait la place de la Concorde que l’on croyait occupée et défendue en force par les fédérés. Au bruit de l’explosion, tous les habitans du ministère étaient accourus sur la galerie et se désespéraient. Un boulet prit la statue de Lille par le travers et la coupa en deux. « Et mes blessés ! » cria M. Mahé. L’ambulance en effet prenait jour sur la place ; on se hâta d’évacuer les malades et de les