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fructueuse pour les chemins de fer suisses ; mais, au lieu d’en profiter soit pour consolider leur crédit, soit pour construire des embranchemens nouveaux affluens des artères anciennes, on se lança dans des entreprises nouvelles absolument comme si tout était à créer en Suisse en fait de chemins de fer.

A part le réseau du Jura-Bernois projeté dans des régions encore dépourvues de chemins de fer, on ne trouve que dès entreprises ou mal étudiées, ou conçues uniquement en vue de faire concurrence aux lignes actuelles. Parmi les premières, nous citerons l’entreprise du Gothard, qui passe par les plus cruelles péripéties : augmentation probable de 100 millions sur le chiffre des dépenses prévues ; refus des gouvernemens allemand, italien et suisse d’augmenter le chiffre de leurs subventions ; ajournement d’une partie des lignes projetées ; procès avec l’entrepreneur du grand souterrain.

Dans les entreprises créées on ne sait véritablement pas pourquoi, nous citerons la National-Bahn, qui se propose de faire un chemin allant du lac de Genève au lac de Constance. Bien de plus national qu’une ligne de cette1 importance si elle était à faire, mais elle existe depuis plus de vingt ans ; il y en a même deux, et, à coup sûr, la nécessité d’une troisième ne se faisait pas sentir.

Les anciennes sociétés ne résistèrent pas à ce vertige ; elles demandèrent lignes sur lignes et engloutirent millions sur millions. Aujourd’hui la situation des compagnies suisses est des plus tristes. Les actions du Central-Suisse sont tombées de 800 à 200 francs, celles du Nord-Est sont cotées 80 francs. Ces deux sociétés ont pu réaliser sur la place de Paris des emprunts de 25 et de 20 millions ; l’Ouest-Suisse a emprunté 15 à 16 millions sur la place de Genève. Nous ne connaissons pas les conditions auxquelles on s’est procuré ces ressources, mais nous estimons qu’elles ont été fort dures. La situation de la compagnie du Nord-Est est si grave qu’à la fin de l’année 1877 le conseil fédéral a proposé aux chambres suisses d’accorder pour la construction de huit lignes des délais complémentaires dont quelques-uns n’expireront qu’en 1885, La Société Berne-Lucerne a été mise en faillite ; les actionnaires ont tout perdu ; les obligataires ont eu 70 pour 100 du montant de leur créance. Pour la Société du Gothard le mot de faillite est bien souvent prononcé, et il paraît difficile de conjurer cette fin désastreuse.

En résumé, il n’y a pas de chemins de fer d’état en Suisse. Les sociétés ont traversé une crise épouvantable dont elles sont à peine sorties, des ruines nombreuses ont été amoncelées, et personne ne saurait envier pour son pays un pareil état de choses.

Parlerons-nous de l’Italie ? Le Piémont, après avoir construit et