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Tous les fonctionnaires publics démontreront qu’il est indispensable de leur accorder, sinon la gratuité, au moins le quart du tarif comme aux militaires et marins. On invoquera l’exemple des pays étrangers pour le transport des électeurs et des membres du parlement. Est-on certain que dans les questions électorales, l’abaissement du prix des transports ne jouera jamais le moindre rôle ? Les compagnies de chemins de fer résistent à toutes ces sollicitations parce qu’elles ont un intérêt considérable à sauvegarder la rémunération et l’amortissement du capital énorme consacré à la construction de leurs lignes. Si ce capital s’élève à dix milliards, et on peut prévoir cette limite, il faut que l’exploitation donne en recettes nettes pour l’intérêt et l’amortissement au moins 550 millions par an. Si l’exploitation est dirigée d’une façon telle que les bénéfices annuels soient inférieurs à cette somme, il faut que l’impôt comble la différence. Si on arrive à la limite extrême de ne demander au public que le remboursement pur et simple des dépenses d’exploitation, il faut ajouter aux impôts, pendant 75 ans environ, une somme annuelle de 550 millions. Voilà ce qu’il faudrait que tout le monde sût et ce que tant de personnes ignorent. On dit : l’état fait le service de la poste, il fera bien celui des chemins de fer. On ne se demande pas si ce service de la poste, en comptant ce qu’il coûte, est rémunérateur ou non.

Nous avons parlé d’une perte annuelle possible de 550 millions ; rien ne dit que ce serait une limite qu’on ne dépasserait pas. Comment, en effet, l’état résisterait-il aux demandes incessantes de nouvelles lignes ? il sera sans force et cependant il est déjà bien lourdement engagé. On a, dans le courant de l’année 1876, distribué aux chambres un petit volume intitulé : Engagemens du Trésor public contractés pour le remboursement d’avances à l’état et pour l’exécution de divers services publics. En ce qui concerne les chemins de fer, les engagemens contractés par l’état s’élèvent aujourd’hui à un milliard. Est-il prudent, lorsque l’avenir est déjà si chargé, de s’engager dans une affaire aussi lourde, aussi grosse d’imprévu que le serait le rachat général des chemins de fer ? Nous ne le pensons pas et nous estimons qu’il faut une grande hardiesse ou une grande ignorance des faits pour répondre affirmativement.

On a bien voulu reconnaître que l’exploitation directe des chemins de fer par une armée de fonctionnaires présentait de graves inconvéniens, et on a proposé une solution dont nous avons dit quelques mots en commençant cette étude. L’état rachèterait tous les chemins de fer, non plus pour les exploiter lui-même, mais pour les affermer le lendemain à des compagnies nouvelles qui lui paieraient une redevance ; c’est la solution devant laquelle, depuis deux ans, le gouvernement italien demeure hésitant. Mais on peut se