raître la chandelle en grande quantité sur les relevés d’octroi, tandis que la bougie et l’huile à brûler n’y figurent plus que pour mémoire et que la consommation de la viande fraîche et du vin est en décroissance d’autant plus frappante que la population urbaine s’est sensiblement accrue.
Si nous relevons ces faits, c’est qu’ils caractérisent une situation dont l’ensemble a exercé l’influence la plus désastreuse sur le commerce local des principaux centres d’Alsace-Lorraine. À part quelques maisons qui, par leur vaste clientèle s’étendant à la province tout entière, étaient assez solidement assises pour résister, le commerce d’articles de luxe a brusquement décliné dans une proportion qui ne laissait d’autre alternative qu’une liquidation « pour cause de départ, » ou la faillite à brève échéance. Bon nombre des plus beaux magasins d’autrefois ont cédé la place à des estaminets borgnes ; d’autres sont à louer ; la plupart de ceux qui restent ne renouvellent leur fonds qu’avec prudence et parcimonie, et n’ont souvent à offrir au chaland qu’un choix limité aux articles étalés dans la devanture. D’un autre côté, les loyers modiques ont rapidement haussé, par une conséquence naturelle de l’insuffisance des petits logemens que recherche la population immigrée, tandis que les grands appartemens restent vides. Dans la seule ville de Metz, où ce bouleversement social et économique a été beaucoup plus intense qu’à Strasbourg, parce que l’émigration locale y a été plus forte que nulle part, on compte actuellement, comme le rappelait M. Bezanson, 3 000 logemens vacans.
Les faillites et les ventes forcées se sont multipliées, tant à cause de la stagnation des affaires que par suite de l’arrivée dans le pays d’une population interlope de marchands, qui ont prouvé leur influence en contribuant de tous leurs efforts à la suppression, résolue en principe et déjà appliquée à Metz, des tribunaux de commerce, coupables de ne s’être pas montrés assez tendres pour les plaideurs de mauvaise foi. Par contre, l’émigration des capitaux, qui a été l’effet naturel du départ de la plupart des familles aisées, a entraîné la dépréciation de la propriété immobilière, sur laquelle les transactions ont diminué à tel point que bien des études de notaires sont devenues de moindre rapport que des charges d’huissiers.
Enfin les grands travaux de fortification et de construction de lignes stratégiques ont attiré dans le pays une population ouvrière nomade qui a été à la fois une cause de démoralisation et de renchérissement factice des subsistances. L’augmentation énorme du nombre des cabarets a encouragé et développé les habitudes d’ivrognerie, en même temps qu’une nouvelle législation pénale, beaucoup trop paternelle pour tous méfaits qui ne sont point de nature politique, a favorisé indirectement l’accroissement rapide du chiffre