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L’ALSACE-LORRAINE.

tation passive, et les intérêts privés continuant à souffrir gravement, il devenait assez aisé de persuader aux populations rurales de la Basse-Alsace, qui constituent dans ce département plus agricole qu’industriel la majeure partie du corps électoral, que le seul remède à des maux persistans était, dans les circonstances actuelles, de revendiquer pour les Alsaciens le droit de se gouverner eux-mêmes et de gérer leurs affaires, comme déjà le Landesausschuss en donnait l’encourageant exemple.

Ces paysans, peu habitués à sonder les mystères de la politique, et qui ne savent pas trop ce qu’autonomie et fédéralisme veulent dire, se sont prêtés à l’essai qui devait, leur assurait-on, les tirer de peine et opérer des miracles, et c’est ainsi que, grâce à l’appui moral de l’administration et à l’appoint des voix des électeurs allemands, cinq candidats autonomistes ont réussi, lors des dernières élections législatives, à se faire nommer dans la Basse-Alsace. Si l’administration leur a été sympathique. Ce n’est pas qu’elle se méprît sur le vrai sentiment de la plupart de leurs électeurs. Elle sait que bon nombre des adhérens du groupe autonomiste sont eux-mêmes des opposans bien plus que des amis, mais des opposans honteux et supplians, et que ce groupe ne puise sa raison d’être que dans l’impossibilité où l’Allemagne s’est trouvée de donner satisfaction à des intérêts qui étaient tout disposés, à l’origine, à se rallier à elle. — L’administration n’ignore pas non plus que, malgré le succès relatif obtenu dans la Basse-Alsace par une partie de ses candidats préférés, le chiffre total des votes émis dans la province en janvier 1877 révèle 16 000 voix opposantes de plus qu’en 1874. — Mais elle savait aussi, et c’était là l’important, que les candidats autonomistes, aujourd’hui devenus députés, se mettraient, une fois élus, tout entiers à sa dévotion, et il y paraît bien déjà. Comment aurait-il pu en être autrement alors que leur chef, M. Auguste Schneegans, directeur du Journal d’Alsace, qui avait assisté de sa personne au Te Deum d’action de grâces pour la prise de Strasbourg, après avoir posé jusqu’en 1870 en ardent et infatigable champion de toutes les libertés, qui, plus tard réfugié à Berne, où il trouva profit à se faire l’insulteur de la Prusse, et passant ensuite de l’assemblée nationale de Bordeaux au Reichstag de Berlin, en est arrivé, après une série de métamorphoses politiques sans doute pas encore close, à n’avoir plus pour l’instant d’autre souci que de perpétuer une situation qui lui assure un asile en Alsace ? Quant à ses quatre collègues, qui le suivent sans bien savoir peut-être jusqu’où il compte les mener, nous n’en dirons rien.

Nous ne nous arrêterons pas davantage à démontrer, — ce que ces messieurs savent fort bien, — que l’autonomie telle qu’ils la