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qui, jusqu’ici, ressemble un peu à un mirage, qui se réunira, il faut le croire, qui aura dans tous les cas l’épineuse mission de concilier l’intérêt universel et les transformations tracées par l’épée de la Russie. Et c’est ainsi que se mêlent dans le mouvement incessant des choses tous ces problèmes de diplomatie et d’organisation politique, de paix générale ou d’ordre intérieur ; chacun en a sa part, chacun a son rôle dans le drame, et la France, après tout, n’est pas la seule nation qui ait ses difficultés, qui ait à se débattre péniblement pour réaliser ce « progrès » dont le mot philosophique de M. Guizot a fait d’avance le programmé ? ou l’abrégé de l’histoire contemporaine.

Pour le moment du moins, la France est rentrée à demi dans un certain ordre intérieur nécessaire et désiré. Elle y est rentrée par là victoire des institutions, par le retour simple et légal aux traditions d’un régime régulier, par la formation d’un gouvernement de libérale conciliation. C’est notre histoire depuis trois mois. Qu’il y ait encore à travers tout des tiraillemens, des incohérences et des violences de partis impatiens de se mesurer ou de s’opprimer mutuellement, on n’en peut certes douter, on le voit tous les jours. Nous n’en sommes plus cependant, et c’est là le commencement du progrès, à ces perspectives de conflits prêts à éclater d’une heure à l’autre, à ces perpétuelles menaces d’un inconnu redoutable Obsédant les esprits. Nous n’attendons plus chaque matin, et c’est bien heureux, l’imprévu préparé dans les conciliabules nocturnes. La constitution reste entière sous la garde collective des pouvoirs réconciliés. Tous les ressorts de gouvernement ne sont pas faussés ou poussés à bout. Il y a un ministère qui est la garantie du parlement aussi bien que M. le président de la république. L’apaisement est sensible, et si les passions de combat n’ont pas désarmé, si elles se manifestent encore avec leur âpreté vindicative, elles subissent elles-mêmes l’influence générale. L’opinion est à la paix avec la république constitutionnelle, libérale et conservatrice telle qu’elle existe ; elle est si bien à la paix sincèrement acceptée et pratiquée qu’elle ne voit plus qu’une dissonance ou une importunité dans les manifestations extrêmes, dans les impatiences de domination et les représailles des vainqueurs comme dans les tentatives de résistance et de réaction des vaincus des dernières luttes. Non, l’opinion aujourd’hui n’est en vérité ni avec ceux qui voudraient faire du sénat un foyer d’opposition systématique, et créer des embarras à un gouvernement bien intentionné, ni avec ceux qui croient habile de tenir le ministère par le budget et, qui en sont encore après quatre mois à invalider des élections. Elle est pour les transactions, là où elles sont possibles, pour, tout ce qui peut simplifier et dégager la marche des affaires nationales. C’est une situation nouvelle qui a commencé au 14 décembre, qui n’a pu arriver sans doute à se préciser complètement, à prendre toute sa