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pouvant devenir offensif. Ces négociations, commencées en 1868, durèrent jusqu’en juin 1869. Les souverains se servirent d’abord d’intermédiaires officieux. Le conseiller principal à Paris fut M. Rouher, ministre d’état, auquel M. le marquis de Lavalette prêta souvent un concours intime. Le général Menabrea, président du conseil en Italie, n’intervint que lorsque les négociations étaient déjà assez avancées. M. de Beust, premier ministre d’Autriche, savait tout et était tenu au courant par M. de Metternich agissant moins comme ambassadeur que comme familier des Tuileries. Beaucoup de notes, de lettres particulières furent échangées, mais aucune pièce officielle ne fut transmise. Très souvent, sinon d’une façon tout à fait suivie et journalière, j’étais le dépositaire des confidences de la France et de l’Italie et leur intermédiaire.

A un moment donné, les négociations prirent un corps par la rédaction d’un projet de traité. Il fallut bien alors faire intervenir, en Italie surtout, les ministres responsables, qui voulurent consulter quelques-uns de leurs amis politiques. La négociation, quoique restant officieuse et non officielle, passa cependant du cabinet des souverains dans les chancelleries. Ce changement de terrain accentua les résolutions à prendre. Entre les souverains, on avait parlé sans s’expliquer très ouvertement, de peur de ne pas s’entendre, des affaires de Rome ; on sentait bien réciproquement que c’était le point délicat, et par cela même on évitait de le traiter à fond ; se contentant de vagues assurances, se berçant de l’espoir d’amener le pape à un arrangement, on se bornait à chercher provisoirement un modus vivendi. Souvent, dans les négociations difficiles, on convient d’abord des points sur lesquels on est d’accord, réservant les plus importans, sur lesquels il y a divergence ; cette manière d’agir était à la fois conforme au caractère de l’empereur, si embarrassé sur la question du pape, et aux habitudes italiennes.

Quand, les ministres furent intervenus (ce qui ne surprit point les personnes qui suivaient comme moi les négociations et qui connaissaient le fond des choses), l’Italie demanda formellement, comme contre-partie de l’action effective qu’elle promettait, le règlement de la question romaine sur la base de l’évacuation de Rome par les troupes françaises.

Le traité devait réaliser une triple alliance entre la France, l’Autriche et l’Italie. L’Autriche, au moins par l’organe de M. de Beust, se montrait très hostile au pouvoir temporel des papes, en excitant l’Italie dans ses exigences sur Rome, afin peut-être de couvrir la situation de son premier ministre vis-à-vis de la majorité libérale et anticléricale du parlement de Vienne.

On aboutit enfin à une rédaction en peu d’articles qui stipulait une triple alliance défensive de nature à se transformer aisément