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poli tique. L’empereur sentit dans cette grave situation que l’heure était venue de faire aboutir cette triple alliance, discutée pendant si longtemps, que la guerre imminente imposait aujourd’hui. M. de Beust suggéra à propos de cet incident des solutions peu sérieuses : il conseilla de laisser embarquer le prince de Hohenzollern et de le faire arrêter en mer par la flotte française. Les événemens se précipitèrent au-delà de toute prévision.

Dans la seconde semaine de juillet 1870, l’empereur reprit les négociations de 1869, et, s’appuyant sur les lettres des deux souverains qui avaient marqué et clos cette négociation, proposa la signature d’un traité en trois articles qui stipulait l’action armée des trois puissances. Ce projet fut envoyé à Florence et à Vienne. L’Italie, toujours encouragée par l’Autriche dans ses exigences anti-papales, y ajouta un quatrième article portant que la France s’engageait à faire accepter par le pape un modus vivendi avec elle. Cet article additionnel, qu’elle proposait de laisser secret, fut soutenu avec vivacité par l’Autriche. L’Italie déclarait qu’elle ne pouvait prendre part à une guerre en faveur de la France sans un grand intérêt italien, c’est-à-dire sans donner à l’opinion publique une satisfaction au sujet de Rome. Des avis de toute nature, officieux et officiels, ne manquèrent pas au gouvernement français. Fidèle à nôtre décision de ne nous servir aujourd’hui que de documens déjà publiés, nous rappelons une lettre du général Turr, Hongrois au service de l’Italie[1]. La voici dans son style étranger et original, avec la réponse du ministre des affaires étrangères, si décisive et qui dénotait un parti-pris le 30 juillet-, l’exactitude de ces documens a été reconnue par le général Turr :

« Florence, le 27 juillet 1870.


« Monsieur le duc,

« A peine arrivé ici, je suis allé voir les ministres et les hommes marquans des différens partis. J’ai dû me convaincre et je dois dire à votre excellence que, si on désire entraîner l’Italie promptement dans une action, il faut faire quelque chose de plus quant à la question de Rome, car la convention de septembre expliquée par M. Drouyn de Lhuys, au lieu d’un bien, est une complication pour le gouvernement italien……..

« On comprend parfaitement que la France ne puisse pas livrer le pape pieds et poings liés, mais le gouvernement de l’empereur ne pourrait-il pas donner de secrètes promesses à l’Italie, afin que celle-ci soit à même de dire au pays que la question nationale italienne aura sa parfaite solution avec la guerre ?

  1. Lettre du général Turr au duc de Gramont, publiée par les journaux anglais.