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catacombes, on ne peut plus les rejeter sans examen. Tout n’est pas imaginaire dans ces récits, puisqu’on a retrouvé dans les galeries des cimetières la sépulture de ceux dont ils racontent l’histoire. Ainsi au IIIe et au IVe siècle on croyait posséder leurs tombes, on lisait leurs noms sur leurs épitaphes, on venait prier devant leurs restes. Le récit des faits peut être très légendaire, mais il est difficile de douter que le nom du personnage soit réel. Dans ces récits mêmes, au milieu de beaucoup d’erreurs ridicules, on remarque des détails vraisemblables ou certains. Quelques-uns sont confirmés par les inscriptions ou les peintures antiques des catacombes ; d’autres supposent une connaissance parfaite de lieux qu’assurément les gens du VIIIe ou du IXe siècle ne visitaient plus. M. de Rossi en conclut très légitimement que la nouvelle rédaction amplifiée et corrompue suppose l’existence d’une rédaction ancienne, plus sobre et plus vraie. Il est donc d’avis qu’au lieu de rejeter le récit entier pour quelques absurdités qu’il renferme, on doit le débarrasser de toutes ces retouches fâcheuses et qu’il faut essayer de retrouver le texte original sous la copie altérée. C’est un travail délicat, où il entre toujours un peu de divination et d’hypothèse, mais où le succès n’est pas impossible à une critique exercée, et qui s’accomplit tous les jours dans la restitution des textes classiques. M. de Rossi l’a fait avec beaucoup de talent pour les actes de Sainte-Cécile ; M. Le Blant l’essaie en ce moment pour beaucoup d’autres. Si l’entreprise réussit, ce qui ne paraît guère douteux, elle augmentera de beaucoup le nombre des documens dont nous disposons et nous fera mieux connaître la lutte héroïque que soutint l’église contre ses persécuteurs.

Je me suis volontairement tenu dans les questions générales : que de découvertes inattendues, que d’observations ingénieuses n’aurais-je pas à signaler, si je descendais dans le détail ! M. de Rossi est un épigraphiste consommé ; il excelle à interpréter une inscription, ce qui ne veut pas dire seulement qu’il nous la fait bien comprendre, mais qu’il sait en tirer toutes les conséquences qu’elle renferme. Celles qu’il a recueillies aux catacombes sont plus simples et plus courtes que nous le voudrions. Les chrétiens de cette époque n’étaient pas bavards ; ils ne tenaient pas à nous apprendre, comme le faisaient si complaisamment les Romains ordinaires, les fonctions qu’ils avaient occupées et le rang qu’ils tenaient dans la vie : un nom propre, une date et quelques souhaits touchans de paix et de bonheur, voilà en général toute l’épitaphe. On en peut pourtant tirer sur la situation de ces pauvres gens, (sur leurs sentimens et leurs espérances, des indications curieuses, et ils nous en apprennent quelquefois avec un seul mot plus qu’ils ne veulent. Les peintures sont encore plus importantes, et M. de Rossi les a interprétées d’une façon fort habile. Comme en général elles sont