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supérieures à celles de l’armée de Beaucaire, le général bonapartiste ne pouvait rien au-delà de la résistance. S’il avait tenté de sortir de Nîmes et de porter l’attaque au dehors, la population royaliste, qu’il tenait comprimée depuis trois mois, se serait soulevée derrière lui. En outre, il aurait trouvé devant lui, à droite et à gauche, des communes hostiles à Bonaparte, et, parmi les plus importantes, celle d’Uzès, qui avait arboré déjà le drapeau blanc et qui, placée sur la limite qui sépare les centres catholiques des centres protestais, se préparait à se défendre contre ceux-ci par qui elle était menacée. Enfin, à l’armée de Beaucaire seraient venues se joindre, au besoin, les gardes nationales de Provence, réunies par le colonel Magnier, entre Arles et Tarascon. Le général Gilly était donc paralysé ; il restait dans Nîmes, attendant avec angoisse les nouvelles de Paris, sourd aux propositions pacifiques et honorables des représentans du roi, tandis que, libre de ses mouvemens, le général de Barre fortifiait ses positions et organisait une expédition pour dégager les bords de la Durance, d’où le menaçaient des bandes de fédérés sorties d’Avignon.

Composée de volontaires royaux, cette expédition, sous les ordres du colonel Magnier, partit de Beaucaire, un soir, vers onze heures et marcha pendant toute la nuit. Au point du jour, elle se trouva à l’entrée d’un gros bourg appelé Château-Renard, voisin de la Durance, et vit devant elle les fédérés postés hors la ville sur les coteaux qui longent la route de Noves. La première balle tirée alla tuer un paysan qui travaillait dans un pré, et dont on essaya de justifier la mort en disant qu’il avait crié : « Vive l’empereur ! » Ce fut d’ailleurs la seule victime de la journée, car au premier coup de canon les fédérés se dispersèrent et disparurent. On ne les poursuivit pas. Le chef de l’expédition, ayant appris qu’Avignon était depuis le matin au pouvoir des royalistes, donna l’ordre de retourner à Beaucaire. Il ne put empêcher toutefois une partie de ses soldats d’entrer dans Château-Renard, où ils mangèrent et burent trop copieusement sans doute, car, après le repas, ils se mirent à pilier plusieurs maisons, et à maltraiter des citoyens qu’on leur désigna comme des républicains. La boutique d’un chapelier rangé dans cette catégorie fut saccagée et les marchandises qu’elle contenait détruites. Après cet exploit, la compagnie se mit en route pour rentrer dans ses quartiers. Mais, en traversant Tarascon, elle trouva la ville en proie à la plus tumultueuse agitation. On venait d’y conduire dans trois charrettes des individus arrêtés arbitrairement à Fontvieille, commune de l’arrondissement d’Arles, où ils étaient connus comme d’anciens terroristes. On attendait ces malheureux avec « des tombereaux de tessons de bouteilles » pour les massacrer. Il y avait parmi eux un vieillard surnommé « l’archevêque » contre lequel la