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23 août, ils entraient dans Nîmes, sous les ordres du général prince de Stahremberg, précédés d’une proclamation de ce dernier, disant qu’il venait « pour assurer la tranquillité et la sécurité, dans toutes les parties du département, à chaque bon habitant du Languedoc, de quelque classe et de quelque religion qu’il fût. » Le préfet se vit obligé de lever aussitôt une contribution additionnelle de 20 centimes au principal de l’impôt foncier. Mais, quelques jours après, il parvint, par son énergie, à épargner au département la lourde charge de l’habillement de 5,000 hommes que le comte Choteck, intendant-général, entendait lui imposer. « Vous me ferez un bien sensible plaisir, disait le comte Choteck, à la fin d’une lettre d’ailleurs très courtoise, en m’épargnant des mesures de force désagréables auxquelles j’ai été autorisé et que je devrais employer, bien malgré moi, sous ma responsabilité personnelle. » À cette mise en demeure, le préfet répondit par une fin de non-recevoir que justifiait la misère publique constatée par la chambre de commerce. Puis il ajoutait : « Il me serait impossible de jamais présumer que de si braves troupes et d’une nation renommée pour sa loyauté, qui se sont présentées au milieu d’une population accablée de tous les maux comme des protecteurs et des alliés, et ont été reçus et traités comme tels, puissent abandonner un rôle si honorable et même si utile pour elles. Quant à moi, premier magistrat, institué par le roi mon maître, chef de ce département, lorsque j’ai accepté une mission si pénible, dans des circonstances si orageuses, j’ai dévoué totalement dès lors au service de mon roi et au salut de la portion de ses peuples qu’il confiait à mon administration mes intérêts personnels, mon indépendance, ma liberté, ma vie même, et à côté de si grands devoirs, tous ces objets m’ont paru bien peu de chose et me sont devenus fort indifférens[1]. » Aussi habile que l’autorité civile était ferme, l’autorité militaire put faire partir pour Cette tout le matériel militaire qui se trouvait sur le passage des Autrichiens et dont ils étaient pressés de s’emparer.

Malgré les exigences des Autrichiens qui ne cessèrent que lorsqu’ils partirent, le préfet du Gard dut se féliciter dès le lendemain de leur arrivée d’avoir à sa disposition cette force imposante, étrangère aux passions des deux partis. Ce jour-là, un escadron des chasseurs d’Angoulême, dirigé de Nîmes sur Alais, afin de faire de la place aux troupes étrangères et commandé par M. de Saint-Victor, fut menacé en route par une bande de paysans de la commune de Ners, située à cinq lieues du chef-lieu, rendez-vous des divers détachemens des gardes nationales de la Gardonnenque et des Cévennes. Le capitaine de Cabrières s’avança au-devant d’eux pour les

  1. Archives nationales.