Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bâtiment, ils éclatèrent d’un fou rire. Ainsi que des gens heureux d’avoir sur les autres une incontestable supériorité, ils étalèrent avec des signes de triomphe leur filet, dont l’étendue était immense. Les Anglais surent que les fibres très résistantes d’une plante fort commune dans le pays servent à la confection de ces sortes d’engins. La pêche est la principale occupation des habitans de la baie des Iles : en divers endroits, il y a des monceaux de filets placés sous des abris ; quand on entre dans une maison, il est rare que plusieurs personnes ne soient pas occupées à fabriquer ou à réparer des mailles.

Au départ, le vent contraire ne permet pas au navire de faire beaucoup de chemin dans la direction du nord ; on passe devant une baie, il n’est pas possible d’y pénétrer[1]. On gouverne sur la pointe occidentale ; avant de l’atteindre, le calme survient ; alors des pirogues s’avancent, sans trop approcher du navire ; les gens qui les montent ayant entendu parler des armes à feu demeurent très réservés, même craintifs. Cédant à des instances réitérées, ils accostent et se mettent à trafiquer. Avec le secours de Tupia, on s’efforce d’en obtenir des renseignemens sur le pays. Les Néo-Zélandais affirment qu’à la distance de trois journées de pagayage, on arrive en un endroit nommé Mourevhennua, où la terre, ne s’étendant plus à l’ouest, tourne brusquement au sud. De cette assertion, les Anglais n’hésitent pas à conclure qu’il s’agit de la pointe que Tasman appela le cap Maria van Diemen. Les insulaires paraissent si intelligens qu’on s’empresse de multiplier les questions. — Connaissez-vous d’autres pays que le vôtre ? — Nous n’en avons jamais visité aucun, mais nos ancêtres nous ont dit que dans le nord-nord-ouest, il existe une vaste contrée du nom d’Ulimaroa. Plusieurs de nos compatriotes y sont allés dans une très grande pirogue ; quelques-uns seulement sont revenus et ont assuré qu’après une navigation d’un mois, ils avaient vu un pays où le peuple mange des porcs. — Les aventuriers n’ont-ils pas rapporté de ces animaux ? — Non. — Les braves gens ne purent expliquer la cause d’une pareille incurie. Pourtant, fait digne de remarque, ils ne désignaient pas l’animal domestique par une description, mais bien par le nom en usage dans la plupart des îles de la mer du sud (booah).

La brise favorable s’étant élevée, on navigua toute la nuit et le matin, au lever du soleil, on était devant une baie[2]. De là, on découvre la mer occidentale ; un rétrécissement de la terre, semblable à une sorte de cou, fait de la partie nord de Te-Ika-a-Mawi une péninsule[3]. Sur le sol assez plat et entièrement sablonneux se

  1. Doubtless Bay.
  2. Sandy Bay.
  3. Nommée par Cook : Knuckle Point.