employés ? Pas le moins du monde, puisque nous entendons déjà qu’il est question de s’adresser à M. Saint-Saëns, à M. Lalo, deux hommes sur le compte desquels nous n’avons plus à être informés et qui, au théâtre comme dans les concerts, ont depuis longtemps donné leur mesure. Nous connaissons tous M. Saint-Saëns, par ses nombreuses symphonies, et par des opéras dont il a toujours été parlé beaucoup plus avant qu’après la représentation. Quant à M. Lalo, ses talens dans l’instrumentation ne sont un secret pour personne et sa renommée d’auteur dramatique n’aurait guère à profiter d’une mise en scène quelconque de sa partition de Fiesque, exécutée autrefois à Bruxelles.
J’avoue qu’à la place du ministre l’emploi de ces 200,000 francs me rendrait rêveur ; et plus M. Bardoux se connaît aux choses de l’art, s’y intéresse et prend à cœur de les voir prospérer, plus la responsabilité doit lui sembler incommode. On avait d’abord pensé à des auditions dans la petite salle du Conservatoire ; restait à s’entendre sur le choix des ouvrages, et là, je le répète, se dressait la difficulté. Les talens nouveaux ne sont point d’une si facile découverte, et lorsque de la théorie vous passez à la pratique, vous vous trouvez en présence d’inconnus tels que ceux que je viens de nommer, c’est-à-dire de gens qui, comme M. Saint-Saëns et M. Lalo, sont depuis des années en rapport avec le public et que tous les encouragemens de la terre ne feront pas sortir du rang honnête où l’opinion les a classés. D’ailleurs, quel résultat sérieux attendre de pareils essais tentés à la diable sur un théâtre d’occasion et la plupart du temps destinés à n’avoir pas de lendemain !
- Trois mois entiers ensemble nous passâmes,
- Lûmes beaucoup et rien n’imaginâmes.
Vous verrez qu’il en sera de même en cette affaire ; on discourra beaucoup, on rédigera de nombreux rapports, on nommera quelques commissions pour n’en pas perdre l’habitude ; puis, toute cette éloquence et tout ce bon vouloir ne produisant rien, les 200,000 francs, las de voyager ainsi à l’aventure, se décideront à reprendre le chemin d’un théâtre lyrique qui se fondera tout exprès pour les recevoir à demeure[1].
Le Théâtre-Lyrique ! encore une admirable matière à mettre non pas en vers latins, mais en prose française bien ronflante et bien creuse dont les amateurs de lieux communs ne manqueront pas de se
- ↑ Et c’est si vrai, ce que nous disons là, que la chose est déjà quasi faite. La mesure que le ministre vient de prendre et par laquelle cette somme de 200,000 francs est confiée au directeur du Théâtre-Italien pour un an et sous des conditions plus ou moins définies, — cette mesure-là sans doute, ne conclut rien, du moins indique-t-elle une évolution favorable. C’est une expérience dans une expérience, inutile à discuter pour le moment et qu’il suffit simplement d’enregistrer au catalogue.