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de France de porter le Taïtien dans sa patrie et demande de joindre une flûte du roi à un bâtiment dont il dispose. Ces propositions accueillies, l’intendant des îles de France et de Bourbon prescrit au capitaine de s’avancer autant que possible vers le sud afin de rencontrer les îles ou le continent qu’on suppose exister sous les hautes latitudes australes. Marion part le 18 octobre sur le vaisseau le Mascarin, tenant sous ses ordres un second navire, le Marquis de Castries, commandé par le chevalier Duclesmeur. Après une relâche au cap de Bonne-Espérance, il erre jusque vers le 47e degré de latitude, touche à la terre de Van-Diemen et se dirige ensuite sur la Nouvelle-Zélande. Il reconnaît le mont Egmont, et de là, s’élevant au nord, il contourne la côte de Te-Ika-a-Mawi, pénètre dans la baie des Iles et mouille, le 11 mai 1772, dans une situation favorable. Les navires avaient éprouvé de graves avaries ; les beaux arbres du pays devaient permettre de tout réparer. On fit dresser des tentes et porter les malades sur un îlot. Les indigènes venaient à bord, en compagnie des femmes, ne témoignant que des dispositions amicales et une entière confiance. Ils apportaient du poisson et recevaient en échange des clous qu’ils convertissaient en petits ciseaux jugés excellens pour travailler le bois. A l’aide d’un vocabulaire de la langue de Taïti, dont l’intendant de l’Ile de France avait pourvu le chef de l’expédition, les entretiens s’effectuaient sans trop de peine. Une concorde parfaite régnait entre les naturels et les étrangers. Les Néo-Zélandais invitent les officiers français à se rendre dans leur village ; Marion s’empresse d’accepter. Avec une suite assez nombreuse, il explore une portion de la baie et visite une vingtaine de villages ; partout c’est une gracieuse réception ; les habitans, hommes, femmes et enfans, se montrent fort sensibles aux moindres présens. Tous les villages bâtis sur des pointes de terre escarpées sont pourvus de défenses ; ce sont les heppah que Cook a si bien décrits. Seulement le navigateur français signale, outre les fossés, les palissades, les sentiers tortueux, les portes basses, l’existence de trois bâtimens publics : le dépôt d’armes, le magasin de vivres, l’atelier des engins de pêche, construits sur un espace élevé entre les files de maisonnettes. Les observations sur le régime, l’industrie, le vêtement des Néo-Zélandais confirment ce que nous en avons rapporté. Marion a remarqué chez ce peuple les signes d’une croyance religieuse ; dans sa pensée, la figure sculptée, d’aspect hideux, qu’on voit au centre de chaque village, et souvent dans des cases particulières, est l’emblème d’une divinité tutélaire.

Le commandant se met en quête d’arbres propres à la confection des mâts ; toujours accompagné d’une foule d’indigènes, il