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Babylone et Tyr ont été les deux grands centres de la civilisation, avant le VIIIe siècle, et l’on trouve des traces de leur rayonnement et de leur influence dans toute la mer Méditerranée. Que la Grèce ait été en dehors de cette influence, cela est peu vraisemblable. C’est donc là qu’il faut chercher la solution de notre problème, si ce problème est susceptible de solution.

De grands faits scientifiques ont également contribué à diriger les recherches de ce côté : c’est, d’une part, la découverte de la langue hiéroglyphique par Champollion, découverte qui permet aujourd’hui d’aborder directement les monumens égyptiens ; d’un autre côté, la découverte déjà ancienne, il est vrai, des livres sacrés de la Perse, le Zend-Avesta, dont le texte fut rapporté en France au XVIIIe siècle par le célèbre Anquetil-Duperron, et surtout, plus récemment, la découverte de la langue zend par Eugène Burnouf ; ces nouveaux documens, recueillis soit en Égypte, soit en Perse, ont permis de pénétrer plus avant qu’on n’avait fait encore dans les mystères des religions orientales, et de contrôler les documens grecs que nous possédions déjà sur les doctrines perses et égyptiennes. Enfin, depuis les fouilles de Ninive et les travaux de MM. Rawlinson et Oppert, une source nouvelle paraît s’offrir aux investigations de la science ; mais ces documens ne sont pas encore et ne seront peut-être pas de bien longtemps encore propres à être utilisés pour l’interprétation des idées assyriennes.

Quoi qu’il en soit, les traditions anciennes qui font remonter à Babylone et à l’Égypte les sources de la sagesse grecque, et les découvertes modernes que nous venons de rappeler, devaient ramener sur la scène la célèbre hypothèse qui fait venir de ces deux pays la philosophie ancienne.

C’est cette hypothèse qu’a soutenue avec éclat, mais avec plus d’imagination et d’esprit que de solide critique, un savant allemand d’une érudition immense, d’une rare pénétration, mais entraîné par un esprit d’aventure et de fantaisie, que la science allemande a elle-même reconnu, et que M. Ed. Zeller signale avec autorité : c’est M. Ed Röth, mort prématurément sans avoir eu le temps d’achever l’ouvrage important où il a jeté les bases de ce système et qui a pour titre : Histoire de la philosophie occidentale[1]. Ce qui indique bien la pensée de l’auteur, c’est que, dans cette histoire de la pensée occidentale, un volume entier est consacré à l’Orient, et à l’exposition des doctrines égyptiennes et perses. C’est de cette double influence combinée qu’est sortie, suivant cet auteur, non-seulement la philosophie grecque, mais toute la philosophie de l’Occident. L’Égypte et la Perse, voilà notre double berceau. Telle est la thèse de M. Ed. Röth ; mais, malgré le talent qu’il déploie à

  1. Ed. Röth. Geschichte unserer abendländisthen Philosophie. Mannheim, 1840-1862.