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société naissante, et dont le nom ne se sépare pas de celui de Boileau. Le premier lieu de leurs réunions fut le riche cabinet de Falconnet, au milieu de volumes non moins nombreux, selon Brossette, que bien choisis. Falconnet, que personne, dit encore Brossette, n’égale en science, en livres et en mérite, a été, avec Fontenelle et Mairan, un des derniers, comme aussi des plus habiles défenseurs de la physique de Descartes. C’est lui qui a publié, en y ajoutant une préface, la Théorie des tourbillons cartésiens de Fontenelle. Mars bientôt l’Académie des inscriptions et belles-lettres devait l’enlever à la ville de Lyon. Ce fut une perte qui dut être vivement sentie par ses anciens confrères, comme on en peut juger, non-seulement d’après Brossette, mais d’après l’éloge qu’en fait Grimm dans sa correspondance : « Homme charmant qui, à l’âge de quatre-vingts ans, a le feu, la force, les agrémens, la gaîté, les grâces de la jeunesse. Ce vieillard, unique en son genre, joint à une érudition fort vaste les vertus et les qualités les plus respectables. Il est regardé par les gens de lettres comme un père. » A côté de Falconnet, nous trouvons un autre cartésien, non moins habile, Villemot, curé de la Guillotière, auteur d’une Nouvelle explication des planètes qui, d’après l’Encyclopédie, serait le meilleur ouvrage en faveur de Descartes"[1].

Deux jésuites faisaient partie de cette petite société d’élite, dont l’un, le père Saint-Bonnet, savant astronome, qui faisait construire l’observatoire à ses frais, était aussi un cartésien, quoique jésuite. On était alors cartésien à l’académie de Lyon, comme on l’était à l’Académie des sciences, comme on l’était dans la France entière, avant le triomphe déjà prochain de Locke et de Newton. Les jésuites, plus tolérans à Lyon qu’ils ne le furent ailleurs, se contentaient de faire quelques chicanes à leur frère cartésien ; ils se plaisaient surtout à l’attaquer au sujet de l’automatisme, cet endroit si faible de la philosophie de Descartes. « Le père Saint-Bonnet, dit Pernetti, ne s’effrayait point de leurs argumens, mais il avouait que le chien de leur maison de campagne le mettait souvent au sac ; cet animal, qui s’était attaché à lui, paraissait entendre ses moindres signes et s’y conformer avec une docilité qui l’étonnait. » Combien sans doute d’autres partisans de l’automatisme que mit au sac, malgré l’esprit de système, l’intelligence d’un chien ou même le seul instinct d’animaux d’ordre inférieur !

Le second jésuite, le père Fellon, était un poète latin, comme il y

  1. Article Cartésianisme.