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des salons d’aujourd’hui ? Mais, s’il y a eu partout, au XVIIIe siècle, beaucoup de poètes plus ou moins oubliés, l’académie de Lyon en a possédé un certain nombre dont le nom n’est pas tout à fait perdu dans l’histoire des lettres.

Ceux qui ne connaissent Lyon que par ses soieries et ses manufactures seraient fort surpris de la longue liste de poètes, hommes ou femmes, que cette ville a produits depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, depuis Louise Labbé, jusqu’à Louisa Siefert, jusqu’à Soulary et Victor de Laprade. Mais nous ne devons parler ici que de ceux qui ont appartenu à l’académie du XVIIIe siècle.

Le premier que nous rencontrons, après le physicien Puget, est un personnage, nous devons l’avouer, fort peu recommandable, l’abbé Gâcon, dont Lamotte disait : « Il n’y a rien à gagner avec les gens qui n’ont rien à perdre. » Auteur du Poète sans fard, de l’Anti-Rousseau, de l’Homère vengé, etc., l’abbé Gâcon poursuit de ses épigrammes, de ses injures, de ses calomnies, les auteurs contemporains les plus renommés. C’est une sorte de Desfontaines qui n’a pas échappé à la prison et que l’académie a effacé de la liste de ses membres. Bordes et Vasselier méritent une meilleure mention dans cette histoire. Tous deux sont souvent cités et loués par Voltaire ; tous deux réussirent si bien dans cette poésie légère qu’il avait mise à la mode, et dont il avait donné le modèle, que leurs vers, plus d’une fois, eurent l’honneur d’être pris pour les siens, ce dont il ne s’offensait pas. Vergier, un de nos meilleurs conteurs en vers après La Fontaine, était aussi un poète lyonnais, mais il vécut à Paris et n’appartint pas à l’académie.

Il faut revenir à Bordes, qui n’était pas seulement un poète, mais un historien et même un philosophe. C’est lui qui, au jugement de Rousseau lui-même, combattit avec le plus de succès, parmi tant d’autres qui prirent la plume pour le réfuter, son fameux paradoxe contre l’influence des lettres et des sciences. « De tous les adversaires, écrit-il à Bordes, qui se sont mis sur les rangs, vous êtes le seul que j’aie craint, ou de qui j’aie espéré de nouvelles lumières. » Mais l’intimité croissante de Bordes avec Voltaire et sa Lettre au docteur Pansophe devaient bientôt faire cesser ces rapports de mutuelle estime et porter au comble l’irritation de Rousseau contre l’académicien lyonnais. Historien et littérateur, l’abbé Millot, avant d’appartenir à l’Académie française, avait fait partie de l’académie de Lyon. Professeur de rhétorique chez les jésuites, dans leur grand collège de la Trinité, il fut obligé de quitter l’ordre à cause d’un éloge de Montesquieu qui avait été couronné par l’académie de Besançon.

Les artistes n’ont été ni moins nombreux ni moins célèbres que les savans, les littérateurs et les poètes. Si nous ne mettons pas au premier rang les Stella, les Coysevox, les Coustou, toutes ces grandes