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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/132

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provenance est le plus souvent bien établie. Outre les bronzes déjà mentionnés plus haut, nous signalerons seulement deux pièces d’une valeur exceptionnelle, le fameux vase François[1], ou cratère d’Ergotimos, le plus grand et le plus curieux à bien des égards de tous les vases archaïques à figures noires, puis le sarcophage en marbre de Carrare, dont les quatre faces sont couvertes d’élégantes et fermes peintures qui représentent un combat de Grecs et d’Amazones. Les deux frontons sont ornés de figures sculptées et de riches antéfixes. Ce monument, unique dans son genre, a été trouvé dans une tombe près de Corneto, l’ancienne Tarquinies, en 1875. Dès maintenant, le musée étrusque de Florence ne mérite pas moins l’attention de l’archéologue que le musée grégorien du Vatican. Pourquoi faut-il qu’il n’y ait point de catalogue et que, depuis la retraite de M. Gamurrini, la collection n’ait pas été pourvue d’un conservateur qui puisse au moins le préparer et nous faire ainsi prendre patience ?

A la suite de la loi du 7 juillet 1866, qui supprimait en Italie les ordres religieux, le couvent de Saint-Marc fut déclaré monument national, en l’honneur des souvenirs qu’il rappelait et des œuvres d’art qu’il renfermait. C’est là qu’ont vécu Fra Angelico, et plus tard, tout près de Savonarole, Fra Bartolomeo ; les cloîtres, les réfectoires, les chapelles, les cellules gardent encore de nombreuses fresques dues à la piété et au talent des maîtres dominicains et de quelques autres artistes célèbres, tels que Ghirlandajo. Le couvent fut donc restauré tout entier. On y réunit un certain nombre d’objets, tels que portraits, bustes, manuscrits, empruntés aux Offices et aux bibliothèques de Florence, qui se rattachent à la mémoire de ces religieux artistes et du noble et triste Savonarole ; dans la spacieuse bibliothèque, on forma une collection de missels ornés de miniatures, provenant de Saint-Marc même et d’autres couvens supprimés. Cette longue salle, divisée en trois nefs par deux files de colonnes en pierre qui supportent des arcades, est elle-même un des beaux ouvrages de l’un des meilleurs architectes toscans, Michelozzo Michelozzi.

On éprouve une étrange impression en parcourant seul ces cloîtres déserts, ces cellules vides ; jadis, quand j’avais pour la première fois visité le couvent, C’était sous la conduite d’un dominicain. Partout, sur mon chemin, j’avais rencontré des moines à la tête rasée, à la longue robe blanche, au pas lent et grave. Je n’ignorais point qu’il n’était plus, parmi eux, d’artistes comme Fra Beato

  1. Il est ainsi désigné souvent par le nom de l’habile fouilleur, auquel sont dues tant de découvertes faites dans les Marennes toscanes, et qui trouva en 1845 ce beau monument près de Chiusi.