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consolida. Quoique le mot qui signifie serf soit employé quelquefois dans la législation du temps, comme il l’est encore aujourd’hui, jamais le servage ne reparut dans l’empire d’Orient. Sous Romain Lécapène, des gens riches et puissans, profitant d’une disette, avaient acheté à vil prix les propriétés des petits cultivateurs : ils furent poursuivis sous cinq empereurs, pendant plus de soixante ans, et forcés de restituer les biens mal acquis ; la loi était dure pour eux, mais elle montre combien l’esprit démocratique l’avait pénétrée. On organisa l’instruction publique : elle fut laïque ; les écoles appartenaient à l’état, on y enseignait gratuitement, et les professeurs étaient largement rétribués. La période macédonienne produisit des hommes distingués et des écrivains de grand mérite, dont les œuvres ont été en partie sauvées. À cette époque aussi remontent ces chants populaires récemment retrouvés, où sont célébrés les exploits des héros de l’Asie-Mineure contre les mahométans. Ces chants, comparés à ceux de nos jours, montrent la continuité de l’esprit hellénique, et sont comme une protestation anticipée contre la domination ottomane. Dans la société des villes régnaient une largeur dans les idées, des habitudes de tolérance et une facilité de mœurs que les siècles précédens n’avaient point connues : on était en pleine civilisation.

Un des caractères les plus frappans de la période macédonienne fut la stabilité dans la succession monarchique. Jusqu’à l’époque de Basile, aucune dynastie n’avait duré ; de fréquentes révolutions avaient compromis l’existence même de l’empire. Le passage d’un prince à un autre fut assuré par un moyen qui garantissait à l’état un bon gouvernement : quand le successeur légitime était mineur ou incapable, des hommes éminens exerçaient le pouvoir à ses côtés. Ainsi l’amiral Romain gouverna avec Constantin Porphyrogénète, Nicéphore Phocas, et Jean Zimiscès avec ses deux petits-fils. Ce mécanisme pouvait sans doute susciter des convoitises dans l’âme du gouvernant associé au trône ; mais le fait prouva qu’il était bon parce que l’opinion publique était assez forte et assez vigilante pour en empêcher les fâcheux effets. On eut les avantages de la monarchie sans les inconvéniens de l’hérédité. La dynastie macédonienne put ainsi garder pendant deux siècles (867 à 1056) une politique suivie et amener l’empire au plus haut degré de prospérité que l’hellénisme chrétien ait atteint. L’île de Chypre et celle de Crète, que les Arabes occupaient depuis cent cinquante ans, furent reconquises par Nicéphore Phocas ; une portion de la Syrie par Zimiscès et Basile II. En Europe, on poursuivit sans relâche la lutte commencée au VIIe siècle contre les Slaves et les Bulgares. Les peuples du nord, une fois en contact avec l’empire grec, n’ont plus cessé de le convoiter et d’en préparer la conquête. La dépopulation