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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/215

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reformait à Nicée et qu’une assemblée nationale proclamait Th. Lascaris. Sa création produisit cette conséquence vraiment instructive pour nous que ces chefs latins s’entendirent contre lui avec les Turcs d’Iconium et que les croisades, suscitées au nom de la chrétienté, aboutissaient à une alliance de chrétiens et de musulmans contre d’autres chrétiens. C’est du reste un fait qui s’est reproduit constamment depuis six cents ans et qui se produit encore sous nos yeux. En Europe, Michel-Ange Comnène restaura de son côté un empire hellénique qui lutta avec succès contre les Latins, les Bulgares et les Serbes, et qui fit disparaître le royaume de Thessalonique. Quand les deux fragmens de la nation se furent réunis, l’empire latin, tombé dans une pénurie sans nom, ne résista plus, et Michel Paléologue reprit Constantinople le 26 juin 1262.

Quel fut, au point de vue de la nation grecque, le résultat des croisades ? Ces expéditions, auxquelles presque toute l’Europe participa, ne pouvaient se justifier que si elles instituaient en Orient une puissance plus forte que l’empire et capable d’arrêter les musulmans. Pour cela, les peuples d’Occident n’avaient pas besoin de le détruire ; ils auraient atteint le but par une alliance sincère, alliance que le fanatisme rendit impossible. Non-seulement les croisés ne firent rien de solide ; mais les haines religieuses, le désir du gain et l’esprit de conquête, qui poussaient beaucoup d’entre eux, mirent la nation hellène dans un tel état de ruine et de désordre qu’elle ne put jamais se reconstituer entièrement. Le commerce prit d’autres voies et se créa des centres nouveaux ; les industries émigrèrent, la sécurité disparut de la mer et des rivages : en 1278, on comptait dans le Levant quatre-vingt-dix chefs de pirates de toute nation. La Grèce, en proie aux seigneurs féodaux qui se la disputaient, se vit, après un siècle, parcourue par les grandes compagnies catalanes, qui amenèrent chez elle les Osmanlis, leurs alliés. Des régions entières de Constantinople furent habitées par des négocians et des banquiers latins indépendans du pouvoir impérial ; ainsi l’anarchie s’étendait jusque dans la capitale. Les attaques répétées de la maison d’Anjou la favorisèrent singulièrement ; l’état grec ne trouva plus le temps de se refaire et vit ses forces, à mesure qu’elles se réparaient, s’user à lutter contre ceux-là même de qui il aurait dû attendre du secours.

Quand l’heure fatale eut sonné et que Mahomet II, déjà maître de toute la Thrace, fut entré dans Constantinople, « les princes et les prélats d’Occident furent saisis d’une indicible terreur ; ils voyaient déjà les janissaires renversant les autels du Christ en Hongrie et en Allemagne, l’Italie tombant sous le joug musulman, le Koran prêché sur le tombeau de Saint-Pierre comme il l’était