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On ne pouvait supposer que nulle action d’ensemble, convergeant au même but, n’eût été fortement préparée ; pour tout homme de sens et de patriotisme, il était certain que M. Léon Gambetta, lorsqu’il partit en ballon pour aller saisir la dictature de la France, emportait un plan de campagne longuement médité entre lui et le général Trochu. Hélas ! il n’en était rien, on l’a su plus tard ; toute lumière a été faite sur ce point douloureux de notre histoire. Chacun d’eux, laissé à sa propre initiative, imagina des opérations de guerre contradictoires à celles de l’autre, et pendant que M. Trochu rêvait sagement de débloquer Paris en s’ouvrant une route vers la Normandie, qui lui donnait la mer et les flottes, M. Gambetta essayait vainement de nous apporter la délivrance par Orléans. Jeanne d’Arc n’y était plus, et le chemin resta fermé. De cette incohérence dans l’action, de cette mortelle hésitation dans le choix des moyens sortit une aggravation du mal qui frappa les esprits réfléchis ; quand il fallut enfin mettre au service de Paris toutes les ressources dont on disposait, les deux compagnies de la Banque détachèrent d’elles-mêmes une troisième compagnie, compagnie de marche qui devait aller au feu dans les jours de bataille, qui y alla et fit bonne contenance. Lorsque le gouvernement de la défense nationale se résolut à livrer un dernier combat, non pas dans l’espoir de briser la triple ligne d’attaque dont nous étions investis, mais pour démontrer, par un argument irrésistible, à la garde nationale qu’il fallait capituler, la compagnie de marche de la Banque mit sac au dos et partit pour Montretout. Sous le commandement de M. Bernard, promu au grade de chef de bataillon, « les fiers employés, semence de héros, » auxquels on avait adjoint quelques soldats de ligne, brûlèrent valeureusement leurs cartouches et combattirent sinon pour le salut, du moins pour l’honneur du pays. Ils furent à Saint-Cloud, à Garches, tinrent bon dans les postes qu’ils occupaient, et ne quittèrent le champ de bataille qu’après en avoir reçu l’ordre. Là on s’était aguerri et on avait pris je ne sais quel petit air martial que la commune remarqua plus tard.

Quand tout fut fini, quand la capitulation eut livré nos forts, désarmé nos troupes et oublié l’armée de Bourbaki, quand le pain commença à entrer dans Paris, d’où tout le monde s’échappait comme d’une prison, le bataillon de la Banque conserva ses fusils et continua à garder ses postes. La Banque n’avait point failli à son devoir, qui, pendant toute la durée de la guerre, semble avoir été de ne reculer devant aucun sacrifice pour sauver le crédit du pays. Paris dut payer rançon comme un roi prisonnier ; où trouver les 200 millions qu’on lui imposait ? Il les demanda à la Banque, qui ouvrir ses caisses et les lui remit sur l’heure. On se récria sur l’énormité de