Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre grande ville, car il était urgent de faire disparaître de la circulation tous ces minces billets de un ou de deux francs qui avaient servi de monnaie obsidionale, mais auxquels notre richesse ne nous a pas accoutumés. Les sacs d’or sonores et reluisans sortaient donc de leur cachette et rentraient dans les caves de la rue de La Vrillière ; les lingots étaient prêts à être transportés à l’hôtel des Monnaies, aux balanciers duquel il fallait donner du travail. Le grand mouvement d’échange, qui est la vie même de la Banque, allait renaître, lorsque Paris fut pris d’un accès de folie furieuse et repoussa la France vers l’abîme d’où elle essayait de sortir. Les maladresses d’un gouvernement sans consistance, les ambitions désordonnées d’un parti révolutionnaire sans patriotisme, amenèrent la journée du 18 mars d’où sortit la commune et tout ce qui s’en est suivi. La Banque arrêta immédiatement le retour de son métal, estimant qu’elle n’en avait déjà que trop à Paris et qu’il ne fallait pas offrir d’excitation aux convoitises brutales qu’elle avait à redouter.

On sait en quoi consiste ce que l’on nomme le gouvernement de la Banque de France. Des régens élus à la majorité des voix par les actionnaires représentent le pouvoir législatif et forment le conseil général ; nulle mesure ne peut être adoptée qu’après discussion et vote du conseil ; le conseil est en fait et en droit le délégué du capital de la Banque. Le pouvoir exécutif est composé d’un gouverneur et de deux sous-gouverneurs nommés par l’état. Ils surveillent la régularité des opérations, assurent la mise en vigueur des statuts, dirigent le personnel dont ils sont responsables et président le conseil général, hors de l’avis duquel, en temps normal, ils ne peuvent, ils ne doivent exercer aucune, initiative. Au moment où éclata l’insurrection moralement préparée du 18 mars, le gouverneur de la Banque de France était M. Rouland, ancien procureur-général, ancien ministre ; les sous-gouverneurs étaient : M. Cuvier, ancien membre du conseil d’état élu de 1848, et M. le marquis de Plœuc, sorti de l’inspection des finances. M. Cuvier, alors absent de Paris pour son service, avait, pendant la guerre, représenté la Banque près de la délégation de Tours et de Bordeaux. Derrière ces hauts fonctionnaires venaient les chefs des quatre services : M. Maraud, secrétaire-général ; M. Chazal, contrôleur ; M. Mignot, caissier principal ; M. de Benque, secrétaire du conseil-général. Si, au lieu de parler de la Banque, nous parlions d’un corps d’armée, nous pourrions dire que son état-major était composé d’un maréchal, de deux généraux de division, dont un absent, et de quatre généraux de brigade. C’était là le haut personnel. Quelle fortune allait-il avoir à défendre ? Voici le bilan de la Banque de France à cette date : encaisse, 243 millions (numéraire 77, billets 166) ; portefeuille,