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il pressait le garde des sceaux de négocier une réorganisation ministérielle. « J’ai déjà vu une fois dissoudre un ministère de M. de Richelieu, écrivait-il à De Serre, et je sais le mal qui en est résulté pour la France. Je n’ai pas concouru alors à ce mal, j’ai fait au contraire ce que j’ai pu pour l’éviter ; je ne voudrais pour rien au monde avoir à me reprocher un semblable événement, soit par ma retraite, soit par ma persistance à demeurer. Faites donc venir au plus tôt M. Lainé et entendez-vous avec lui, car vous deux seuls pouvez arranger les choses, soit relativement au duc, soit relativement à la chambre. Ensuite, parlez ensemble en mon nom et soyez sûrs que je ne vous désavouerai pas. » M. Pasquier agissait avec honneur ; mais ce n’eût été qu’une vaine combinaison de plus, et, en outre, l’expédient répugnait à la délicatesse des hommes. Le duc de Richelieu avait déclaré qu’il ne se séparerait pas du ministre des affaires étrangères, et De Serre écrivait peu après à sa mère : « Quelques personnes vous diront qu’on me pressait de rester, je ne le pouvais ni sagement ni honorablement. »

Le seul qui aurait pu vraiment prévenir ou apaiser cette crise était le comte d’Artois, qui avait assuré l’appui de ses amis à M. de Richelieu, lorsque celui-ci avait pris le pouvoir. Avant le dénoûment, le duc de Richelieu avait tenu à se rendre chez Monsieur pour lui rappeler ses promesses ; il n’avait reçu du prince qu’une réponse évasive et dégagée qui l’avait comblé de surprise, et, courant plein d’émotion jusque chez M. Pasquier, le président du conseil avait éclaté dans ce cri de l’honneur indigné : « Il manque à sa parole de gentilhomme. » Le comte d’Artois était passé à l’ennemi, ou pour dire plus vrai, il restait avec ses amis, encourageant leurs espérances et leurs intrigues. Mme du Cayla conspirait pour les meneurs de la droite en pressant de ses séductions la volonté défaillante du vieux roi, qui ne décidait plus rien sans elle, qui, au milieu de ces troubles intimes, lui écrivait jusqu’à cinq billets en quelques heures ; elle avait préparé Louis XVIII à tout accepter. Le secours imprudemment prêté par les libéraux « aux ultras » avait fait le reste. Les royalistes arrivaient à leurs fins : après avoir eu raison de M. Decazes, ils ne craignaient plus de renverser brutalement M. de Richelieu. Le ministère expiait ses condescendances : après avoir sacrifié dix-huit mois auparavant Royer-Collard, Camille Jordan, M. de Barante, il était sacrifié à son tour, il ne suffisait plus ! Le mouvement allait jusqu’au bout, jusqu’au dénoûment du 14 décembre 1821 qui faisait disparaître le dernier cabinet en donnant naissance à un ministère de la droite pure avec M. de Villèle, M. Corbière, M. Mathieu de Montmorency, M. de Peyronnet. À ce souvenir, quarante ans après, M. Pasquier écrivait encore avec feu : « … En 1822, il faut bien que je le dise, la maison