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dire captif, il n’a jamais pu dire que sa parole le fût. Jamais pape n’a communiqué plus librement avec les fidèles ; jamais encycliques, brefs ou allocutions ne sont plus aisément sortis du Vatican. La mort même de Pie IX a démontré la vanité des craintes des catholiques. Jamais interrègne pontifical n’a été plus tranquille, jamais conclave plus libre que celui de 1878, élection plus régulière que celle de Léon XIII. La mort de Pie IX, tant appréhendée de certains fidèles, n’a donné lieu à aucun schisme. On ne peut plus dire que le pouvoir temporel des papes était nécessaire à l’unité de l’église et que sans la souveraineté pontificale la grande communauté catholique se briserait en petites églises nationales.

Les sept années de captivité de Pie IX ont montré à tous qu’un pape pouvait demeurer souverain pontife en cessant d’être prince temporel. La même capitale a pu contenir un pape et un roi. On raconte que, lors du séjour de Garibaldi à Rome, quelques années après l’occupation italienne, Pie IX dit à l’un de ses familiers : « L’on affirmait que nous ne pouvions être deux dans Rome, maintenant nous voilà trois. » Cette spirituelle saillie était une sorte d’aveu ; les mœurs modernes permettent de ces rapprochemens, de ces voisinages, qui eussent semblé impossibles autrefois. Le Vatican et le Quirinal ont pu du vivant de Pie IX et de Victor-Emmanuel avoir chacun leur cour et leurs solennités rivales, de même qu’après la mort du pape et du roi la foule se portait du cercueil pontifical de Saint-Pierre au cercueil royal du Panthéon. Parfois les fêtes de l’église et les fêtes de l’état sont tombées le même jour sans que de cette coïncidence il soit sorti aucun conflit. On a vu Pie IX célébrer au Vatican le jubilé semi-séculaire de son épiscopat le jour même où l’Italie célébrait au Capitole le glorieux anniversaire de son statut national. S’il est une ville où de tels rapprochemens peuvent ne pas étonner, c’est assurément Rome, la ville des contrastes, où partout les monumens du paganisme touchent aux monumens du christianisme, sans que ni les césars ni les papes la puissent entièrement revendiquer.

Pie IX s’est chargé de montrer tout ce que peut être la liberté d’un pape dépouillé de la royauté. Quel souverain pontife a jamais reçu autant de députations, autant de pèlerins, autant d’hommages de toute sorte, que Pie IX depuis sa réclusion dans le Vatican ? Quel pape a jamais eu un langage aussi impétueux, aussi indépendant de toute considération humaine ? C’est depuis la spoliation de 1870 que, donnant libre cours à sa pathétique et vibrante éloquence, Pie IX s’est transformé en une sorte de tribun de l’église, dénonçant au monde les souverains, les gouvernemens, les peuples, et, par l’audace de ses invectives et de ses comparaisons bibliques, rappelant