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grands capitalistes du globe. Le Vatican est ainsi assuré de l’indépendance que donne la richesse, et les sources de ses revenus sont trop nombreuses et trop profondes pour qu’aucun pouvoir les puisse tarir.

Ce n’est point la pénurie d’argent qui courbera la papauté devant l’Italie nouvelle. Il s’est du reste opéré durant ces dernières années un notable changement dans les vues italiennes. L’état tout comme l’église trouve avantage à garder sa liberté d’action. Si la plupart des politiques italiens désirent toujours la pacification religieuse de la péninsule, il en est peu qui rêvent un accord en règle, et encore moins un traité d’alliance avec le Vatican. Des deux côtés on paraît sentir que les bases d’un traité font défaut, qu’entre l’Italie nouvelle et la papauté il y a bien d’autres questions, bien d’autres dissidences, que la possession de Rome. Les politiques se disent qu’en Italie, plus encore qu’ailleurs, l’état ne saurait devenir l’allié de l’église qu’en s’en faisant le vassal et l’homme lige[1].

L’église sait que, pour cesser d’être en guerre ouverte avec l’état, elle n’a nul besoin de condescendre à une transaction. Des deux côtés, ce qui paraît le plus désirable et le moins malaisé, c’est une trêve tacite, amenant un désarmement simultané sans abandon des droits et prétentions réciproques. Quoi qu’il en soit, la papauté saura bien avec le temps s’accommoder aux faits accomplis, et déjà l’on voit Léon XIII s’écarter doucement des sentiers de Pie IX. Tôt ou tard le Vatican saura sortir des stériles protestations, renoncer à un système d’abstention qui ne nuit qu’à sa cause, et se servir des armes que lui mettent dans la main la constitution du royaume et la liberté. Peut-être un jour verra-t-on les successeurs de Pie IX, à la tête d’un grand parti italien, obliger le Quirinal à compter avec eux, et chercher à tourner au bénéfice de la propagande catholique cette unité italienne maudite par leur prédécesseur. Peut-être la vieille idée guelfe renaîtra-t-elle une dernière fois sous un déguisement démocratique et verra-t-on au XXe siècle un pape populaire travailler à l’avènement d’une république italienne.

Quel que soit l’avenir, l’église est loin d’être encore résignée à sa défaite et réconciliée avec ses nouvelles conditions d’existence. En Italie, plus encore qu’au-delà des monts, ce qu’elle réclame, c’est moins la liberté que le pouvoir, ce qu’elle attend, conformément aux enseignemens de Pie IX, ce n’est pas la paix, c’est le triomphe. Le triomphe de l’église, tel a été depuis une vingtaine d’années le mot

  1. Tout ce que les conciliateurs ecclésiastiques, tels que le père Curci, offrent à la royauté italienne, c’est le rôle de vicaire du pape et de gonfalonier du saint-siège. De pareilles combinaisons sont encore moins du goût du Quirinal que du Vatican. Voyez il moderno dissidio tra la Chiesa e lo Stato.