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ceux-là mêmes que nous mentionnions il y a un instant. Le costume universitaire que porte Cuvier ou l’uniforme militaire de Drouot, le manteau plus chiffonné que de raison dans lequel Corneille s’enveloppe, aussi bien que la redingote bourgeoise qui étreint le corps de Casimir Delavigne, ou celle dont les plis retombent le long du corps de Mathieu de Dombasles, d’autres ajustemens encore choisis par David pour draper ou pour habiller ses statues, sont traités avec un laisser-aller qui rappelle les procédés rapides d’une esquisse peinte et les louches heurtées du pinceau. Les lignes générâtes de ces figures monumentales ou des bas-reliefs qui en ornent les piédestaux sont le plus souvent savamment ordonnées, franchement sculpturales ; mais de l’impression produite par l’ensemble passe-t-on à l’examen des détails, l’œil ne sait plus où se prendre ni à quels signes reconnaître ce que l’artiste a senti à propos des diverses formes partielles. Quelque chose d’équivoque dans l’interprétation à la fois molle et violente de ces formes à peine dégrossies, un mélange singulier de hardiesse et d’incertitude dans les contours qui devraient les dessiner ou dans les saillies relatives qui les modèlent, l’ostentation de l’ampleur en un mot se substituant à la fierté du style et les rudesses ou les négligences de la pratique à l’expression châtiée de la verve, — voilà ce qu’on peut en mainte occasion reprocher à la méthode d’exécution adoptée par David et aux œuvres qui en sont issues. Ajoutons que ces incorrections regrettables s’aggravent trop souvent d’erreurs plus fâcheuses encore, puisque celles-ci, au lieu de compromettre seulement la précision du faire, ont pour effet de fausser la structure même des corps figurés et d’en dénaturer les proportions.

Il nous suffira de citer comme exemples d’aussi étranges méprises la statue de Larrey, placée dans la cour de l’hôpital du Val-de-Grâce, et le groupe qui surmonte le tombeau du général Gobert au cimetière du Père-Lachaise. Comment se fait-il que ces exagérations presque difformes qui, lorsqu’on regarde les deux ouvrages ou tel autre du même genre, sautent aux yeux des moins clairvoyans, comment se fait-il que ces interprétations à outrance d’une stature ou d’une physionomie individuelle aient été commises par un homme si bien informé au fond des lois de son art et si capable, — il l’a prouvé ailleurs, — de les pratiquer ? Si l’on suit la marche du talent de David depuis ses premiers pas jusqu’à l’époque où, à force de vouloir agir, il ne prend même plus le temps de se consulter, où à force de se hâter il s’essouffle, on s’explique ces entraînemens progressifs ou, tout au moins, on les voit se déduire les uns des autres avec une sorte de logique fatale.