habileté extraordinaires ; mais cette habileté, quelque louable qu’elle soit, n’en a pas moins ses dangers, même pour celui qui la possède. Elle peut facilement le pousser, et c’est ce qui est bientôt arrivé pour David, aux exagérations et aux abus. A plus forte raison est-elle pour autrui d’un exemple périlleux. Si, à ne tenir compte que de sa valeur propre, le Philopœmen mérite la place qu’il occupe dans notre musée à côté des monumens les plus remarquables de la sculpture française, il ne suit pas de là, tant sans faut, que les artistes doivent le prendre pour modèle, ni même que le talent qui l’a produit n’ait pas, dans d’autres occasions, mieux donné sa mesure et plus noblement compris ses devoirs.
L’œuvre dont nous venons de parler nous semble clore à peu près la période qui, dans la carrière de David, précéda celle des méprises violentes, des véritables emportemens du sentiment ou de la manière. Quelques réserves qu’autorise le Philopœmen, il y a loin encore des intentions qu’il exprime aux prétentions ou aux audaces qui se formuleront dans plusieurs des ouvrages suivans ; il y a loin de cette expression trop littérale sans doute, mais après tout très savante de la réalité, à des paradoxes plastiques tels que la statue de Larrey ou le groupe et les bas-reliefs sculptés pour le Tombeau du général Gobert. Et ce n’est pas seulement dans des travaux de cet ordre, dans les œuvres de sculpture monumentale exécutées pendant les quinze ou’ vingt dernières années de sa vie que David se montre si tourmenté du besoin d’étonner le regard, de le défier, à vrai dire, par les témérités de son imagination ou de son ciseau. Les bustes qu’il modèle à cette époque, plusieurs des médaillons même qu’il ajoute à une série jusque-là si bien remplie, au moins au point de vue l’art, tout se ressent de ces préoccupations systématiques ; tout accuse, en même temps que la manie de l’ébauche, je ne sais quel parti-pris d’exagérer certaines formes au détriment manifeste de la vraisemblance et des proportions. Ainsi, s’agit-il du portrait d’un savant, d’un artiste illustre ou simplement d’un homme voué aux travaux de l’esprit, pour faire pressentir les facultés prédominantes et la puissance intellectuelle de son modèle, David accentuera si énergiquement les protubérances du front, il augmentera d’une main si libérale le volume du crâne qu’à force d’étaler les signes extérieurs de son génie le personnage représenté en arrivera presque à prendre les apparences d’un hydrocéphale. Déjà, dans quelques-uns de ses ouvrages antérieurs, dans les bustes d’ailleurs si vigoureusement traités de Goethe et de Chateaubriand, de Humboldt et de Victor Hugo, David n’avait pas craint d’enchérir en ce sens sur les données de la nature et sur les découvertes de la phrénologie ; mais un moment vint où, ne se