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objections qu’ils risquent de soulever. David écrira bien, sans hésiter, à propos des hommages dus par la sculpture aux grands hommes : « Ce qu’un sculpteur doit chercher, c’est l’âme ; ce qu’il doit dire, ce sont les clartés dont elle s’est illuminée, les grandes choses qu’elle a faites et qui valurent au modèle l’admiration des âges ; » mais, quand il s’agira de déterminer les moyens de donner un corps à cette âme et une apparence solide à ces clartés, les instincts de l’artiste entreront naturellement en lutte avec les exigences du théoricien. De là plus d’une équivoque, plus d’une contradiction même dans les opinions émises, dans les raisonnemens entre autres par lesquels David cherche à démontrer la convenance de représenter les personnages modernes tantôt nus comme des héros antiques, tantôt revêtus des habits qu’ils portaient de leur vivant. Comment admettre ces prescriptions contraires et concilier ces démentis ? S’il est vrai que les accessoires caractéristiques d’une époque « importent peu dans l’image du génie, parce que le génie n’a pas d’âge, » et « qu’il travaille pour le genre humain, » comment s’accommoder de cet avis tout différent qu’on lit un peu plus loin : « Le costume peut être un indice très significatif du caractère d’un personnage… Il faut donc que l’artiste note avec beaucoup de soin l’impression que lui fait éprouver la forme du costume, la manière dont il est porté, etc.. S’il sait se rendre compte du pourquoi de toutes ces choses, il saura, lorsqu’il devra modeler, compléter le caractère moral d’un personnage par un costume convenablement adapté. »

On conçoit au surplus que, sur des questions de cet ordre, David éprouvât un certain embarras à se prononcer, et cela en raison même des hésitations qu’il avait laissé voir dans la pratique. Lui dont la main avait figuré des poètes, des généraux, des hommes d’état, aussi dévêtus qu’hommes puissent l’être et, dans d’autres occasions, aussi habillés que le comportaient les usages de leur temps, — lui qui, après s’être affranchi des entraves de tout costume dans ses statues de Racine, de Bonchamps, du Général Foy, avait ensuite poussé le zèle de l’imitation littérale jusqu’à reproduire sans merci les formes du pourpoint de Corneille ou du haut-de-chausse de Jean Bart, les bottes du Général Drouot ou l’habit boutonné d’Armand Carrel, — pouvait-il formellement condamner en principe ou faire prévaloir sur l’autre l’un des deux partis qu’il avait alternativement adoptés ? Aussi David essaie-t-il ici d’un moyen terme et propose-t-il, faute de mieux, un classement par catégories qui permettrait aux statuaires de nous montrer « nus ou drapés, les savans, les poètes, les artistes, les orateurs, » tandis qu’ils pourraient « représenter les militaires avec leur costume. »

On ne saurait accepter cette jurisprudence arbitraire. De ce qu’un