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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai 1878.

La France, on nous permettra cette expression familière, a été si peu gâtée depuis nombre d’années, elle a essuyé de tels déboires et elle a traversé des heures si sombres, qu’elle est bien pardonnable de se laisser aller un instant, avec un abandon presque naïf, au plaisir de revivre. Il y avait si longtemps qu’on n’avait pavoisé et illuminé ! Que les partis s’acharnent à commenter avec leurs vues étroites et leurs passions jalouses un événement intéressant pour tout le monde ; que les uns se figurent qu’il n’y avait eu rien de semblable avant la république et que les autres s’efforcent de prouver qu’il ne peut y avoir rien de favorable avec la république, l’instinct populaire, qui n’est pas un aussi profond calculateur, a éclaté tout bonnement, tout franchement. Cette exposition qui vient de s’ouvrir au Champ-de-Mars a été pour notre pays, surtout pour Paris, une véritable révélation, un coup de théâtre. La France s’est sentie renaître dans une splendide démonstration de puissance ; elle n’a pas été moins heureuse de voir une sorte de courant sympathique revenir vers elle, les témoignages d’amitié se multiplier à cette occasion, les princes de l’Europe réunis autour du chef de l’état pour l’inauguration de ces grandes assises de l’industrie et du travail. Certes les obscurités et les périls ne manquent pas à tous les coins de l’horizon, les chances de guerre n’ont point disparu ; ni de Londres ni de Saint-Pétersbourg rien n’est venu encore pour chasser le fantôme des redoutables conflits. Il y a cependant sur ce continent troublé une ville florissante qui a pu apparaître l’autre jour comme un terrain neutre, uniquement ouvert aux bienfaisantes émulations, qui a célébré sa fête de la paix comme une victoire. Et c’était en effet une victoire du génie de la France, se ressaisissant en quelque sorte lui-même par l’énergie du travail, attestant sans défi, sans fausse modestie devant le monde qu’il n’est point éclipsé, qu’il garde, en dépit des trahisons passagères de la fortune, sa vitalité, son influence et son attrait.

L’exposition a donc eu ce premier succès de montrer la France