Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/540

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
534
REVUE DES DEUX MONDES.

commune d’installer ici un gouverneur. — Nous ne le supporterons jamais, reprit M. de Plœuc ; notre livre des comptes courans est pour ainsi dire l’acte de confession du commerce, de la finance et de l’industrie, c’est un secret que sous peine de forfaiture nous ne pouvons livrer à personne. — Charles Beslay se taisait, et M. de Plœuc, calmant l’émotion dont il avait été saisi, se demandait si de cet adversaire il ne convenait pas de tenter de faire un allié qui pût l’aider à sauver la Banque.

Après quelques instans de silence, le marquis de Plœuc reprit : — Les autorités qui dirigent la iJanque existent, elles ne peuvent être ni déplacées ni remplacées ; le gouverneur est à Versailles, mais je suis sous-gouverneur et je remplis, de mon mieux, le devoir qui m’est imposé. Nous ne pouvons déserter le poste où nous sommes ; la Banque a des relations avec la ville de Paris, avec l’état et avec les particuliers. J’admettrais, jusqu’à un certain point, que la commune nommât près de la Banque une sorte de commissaire civil, comme il en existe près des chemins de fer, afin de s’assurer que nous ne manquons pas à nos statuts et que nous exécutons scrupuleusement les engagemens pris par nous vis-à-vis de l’état ou vis-à-vis de la ville ; mais c’est là seulement ce que nous pourrions tolérer : toute prétention pour connaître les comptes courans, les dépôts d’objets précieux, les dépôts de titres, les avances faites sur dépôts, serait invariablement repoussée par nous, car, je vous le répète, c’est là un secret, le secret même du crédit, qu’il nous est absolument interdit de divulguer. — Beslay ne disait rien ; il avait pris les pincettes et tisonnait machinalement. — Voyons, monsieur Beslay, reprit M. de Plœuc avec une sorte de bonhomie émue, est-ce que ce rôle n’a rien qui vous tente ? Vous n’êtes point un homme d’aventure, vous, je le sais, vous avez été un grand industriel, vous avez été député ; quoique je ne partage aucune de vos opinions, j’ai toujours rendu hommage à l’honorabilité de votre caractère ; vous n’ignorez pas ce que c’est que la Banque, vous n’ignorez pas que son écroulement serait un désastre sans pareil pour le crédit du monde entier ; aidez-moi, aidez-nous à sauver l’honneur financier de la France, devenez notre associé dans une mesure et faites comprendre à vos collègues de la commune que toucher violemment à la Banque, c’est produire la ruine universelle. Dès que nos Iwllets seraient sortis de nos mains, ce ne seraient plus que des chiffons de papier bons à vendre au tas, vous le savez bien. — Ghailes Beslay se leva et dit : — Je ferai de mon mieux.

Dans la journée du 30 mars, le marquis de Plœuc avait reçu une lettre écrite par le ministre des finances : — « Je ne saurais insister trop vivement, au nom du gouvernement de la républiqiue française