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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/561

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LA BANQUE DE FRANCE SOUS LA COMMUNE.

ditions des avances sur dépôts et titres ; l’article 2 dit expressément que l’avance ne peut excéder les quatre cinquièmes de la valeur, au cours de la Bourse : or les bons du trésor sur lesquels le délégué aux finances demande à emprunter 3 millions ne sont pas cotés à la Bourse ; il n’y a donc pas lieu de suivre une négociation que les statuts de la Banque interdisent même d’entamer. Communication de cette décision est transmise à lourde, qui répond le lendemain par une demande de 2 millions. C’était beaucoup à la fois ; ou fit des observations au père Beslay, qui répondit : — Que voulez-vous ? ils ont besoin d’argent !

La Banque savait bien qu’elle finirait par accorder en fractions successives la grosse somme qu’on exigeait en un seul paiement, mais elle comprit qu’à supporter toutes ces réquisitions elle épuiserait promptement le solde créditeur de la ville de Paris, et que l’heure viendrait peut-être bientôt où elle serait forcée de se découvrir elle-même. Cette situation préoccupait vivement les régens, qui, fidèles au mandat qu’ils avaient reçu de la majorité des actionnaires, continuaient à défendre pied à pied les intérêts qu’on leur avait confiés. Ils ne se réunissaient plus à la Banque ; cela aurait eu des in convenions et peut-être des dangers ; mais ils multipliaient les séances de leur conseil, car il ne se passait guère de jour qu’ils n’eussent à délibérer pour parer à des éventualités menaçantes. Tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, ils s’assemblaient ; M. de Plœuc les présidait et parfois on appelait au conseil les chefs de service dont on avait à consulter l’expérience. Sur tous les procès-verbaux, je retrouve les mêmes signatures, et ce n’est pas sans émotion que je vois toujours celle de M. Durand, leur doyen, un vieillard chétif, malingre, dont la mort a fait élection depuis ces mauvaises heures, mais qui alors, malgré sa débilité, développa un amour du bien, un esprit de justice, une force de résistance, un dévoûment au salut de la Banque qu’il est impossible de ne pas admirer ; ses collègues, M. Denière, M. Fère, M. Davillier, M. Millescamps, l’assistent et n’ont point besoin de soutenir son énergie, qui semble dépasser ses forces. À côté des régens et du sous-gouverneur, dans ces séances qui trouvaient quelque sécurité derrière le huis-clos des habitations particulières, je vois le secrétaire du conseil-général, M. de Benque, tenant la plume, résumant les délibérations d’un style calme et lucide, ne se laissant troubler par rien, ni par les menaces des révoltés, ni par les dangers qui s’accumulent, et résolu comme les autres à faire son devoir jusqu’au bout. C’est là en effet ce qui ressort de l’étude des faits et des documens ; pendant toute cette période véritablement troublante, il n’y eut pas une seule défaillance à l’hôtel de La Vrillière, et, remarque plus importante encore, parmi plus de 800 employés dont la plupart connaissaient le