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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/564

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REVUE DES DEUX MONDES.

le crédit et la confiance dont cette institution jouit à si juste titre. Croyez, mon cher gouverneur, à mes sentimens les plus distingués, Pouyer-Quortier. » Le conseil se demandait, non sans raison, si l’on avait voulu se moquer de lui, car les phrases banales de cette lettre ne signifiaient absolument rien, et semblaient indiquer la volonté latente d’éluder la question posée, qui méritait cependant une réponse compréhensible. Séance tenante, le conseil décida qu’une nouvelle lettre directement adressée au ministre des finances, signée par le sous-gouverneur et par les régens, serait portée le plus tôt possible à Versailles par M. de Lisa. Le secrétaire du conseil. M, de Benque, fut chargé de la rédiger, et l’on s’ajourna au soir même pour la signer après en avoir pris connaissance. Cette lettre est d’une grande fermeté et elle démontre à quel haut degré chacun dans le conseil était animé par le sentiment du devoir.

Après avoir rappelé les réquisitions déjà supportées, les encouragemens que le ministre avait fait parvenir à la Banque par sa lettre du 30 mars, après avoir fait remarquer que la réponse reçue ne répondait pas, les régens et le sous-gouverneur concluaient en disant : « La menace du péril personnel que court chacun de ses membres (du conseil) en restant ici pour veiller aux graves intérêts qui représentent une notable portion de la fortune de la France est déjà assez grande pour qu’il ne soit pas possible d’y ajouter la responsabilité morale que nous prions le gouvernement d’alléger, en partie du moins, en la partageant avec nous dans la mesure du possible. Les membres du conseil actuellement à Paris pourraient se soustraire à une charge que les événemens actuels rendent presque redoutable ; ils ne le font pas dans l’unique intérêt d’un établissement qui est le soutien et le crédit de tous, de l’état comme des particuliers. Ce dévoùment, monsieur le ministre, mérite quelque encouragement de votre part, et nous ne croyons pas dépasser les bornes d’une demande juste en réclamant de vous un acte exceptionnel, il est vrai, mais que justifie entièrement la position particulière qui nous est faite. » La lettre est signée : « Marquis de Plœuc, sous-gouverneur ; Durand, Henri Davillier, Deniôre, Millescamps, Fère, régens ; seuls membres du conseil présens à Paris. »

Dans la soirée du 30 avril, M. de Lisa était de retour. Il avait eu un long entretien avec le ministre des finances, il en avait reçu une nouvelle lettre d’où il résultait que les désirs exprimés par les régens avaient été favorablement accueillis à Versailles. Le 1er mai le conseil se réunit en une séance extraordinaire, à laquelle M. de Lisa fut prié d’assister, car il avait à rendre compte de son entrevue avec M. Pouyer-Quertier. La lettre du ministre était un peu plus explicite que la précédente, mais pas beaucoup plus ; elle était évidemment écrite par un homme qui ne voulait compromettre