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I.

« Le vagabondage est un délit, » dit le code pénal, procédant ainsi sous la forme peu usitée d’une affirmation qui laisse apercevoir le caractère assez conventionnel, en théorie du moins, du délit, et il définit ainsi les vagabonds : « Ceux qui n’ont ni domicile certain, ni moyens d’existence, et qui n’exercent habituellement ni métier ni profession. » Quant à la mendicité, elle ne tombe sous le coup de la répression pénale (sauf pour les mendians d’habitude et valides) que dans les lieux où il existe un établissement public organisé afin d’obvier à la mendicité. Le département de la Seine rentrant dans cette catégorie, la mendicité comme le vagabondage y tombent donc sous le coup de la loi, aussi bien pour les enfans que pour les adultes. Toutefois ce n’était pas sans hésitation qu’on faisait jadis aux mineurs l’application de l’article du code pénal qui punit le vagabondage, et certains tribunaux se laissaient arrêter par cette considération que, les mineurs n’ayant d’autre domicile légal que celui de leurs parens, on ne pouvait leur faire personnellement l’application d’un article qui punit ceux qui n’ont pas de domicile certain. La réforme de 1832 a fait cesser ces incertitudes de la jurisprudence en déclarant que les vagabonds mineurs de seize ans pourraient être placés sous la surveillance de la haute police jusqu’à l’âge de vingt ans. L’intention des auteurs de la réforme était humaine en ce sens qu’ils entendaient, tout en atteignant les mineurs vagabonds, les exempter de la prison ; mais la faculté laissée aux tribunaux d’entraver l’existence d’un enfant par les obligations étroites qu’impose la surveillance de la haute police et d’assimiler par là sa condition à celle des grands criminels est une disposition fâcheuse. Aussi, bien que les magistrats ne fassent que rarement usage de cette faculté, et qu’ils préfèrent envoyer l’enfant en correction comme ayant agi sans discernement, cette disposition n’en devra pas moins disparaître de nos codes le jour (prochain, je l’espère) où il sera procédé à une révision rationnelle de la législation pénale qui concerne les jeunes délinquans.

Le nombre des enfans de Paris qui se livrent à la mendicité et au vagabondage est-il considérable ? Avant de discuter les chiffres que nous fourniront les documens judiciaires ou administratifs, consultons d’abord notre expérience et nos souvenirs. Qui de nous, ayant battu depuis sa jeunesse le pavé de la capitale, ne connaît l’existence dans nos rues et sur nos places publiques d’une population d’enfans nomades au teint pâle, à l’œil éveillé, qu’il aura trouvés